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Ce que nous savons sur les gluons et ce que nous ne savons pas…
dimanche 6 décembre 2020, par
Ce que nous savons sur les gluons et ce que nous ne savons pas….
Où trouvons-nous les gluons ? Dans le noyau des atomes où ils accompagnent les protons et les neutrons et participent à leur structure.
Il y a deux sortes de particules : les fermions (comme électron ou proton) et les bosons (ou particules qui règlent les interactions entre fermions). On les distingue parce que les fermions ont tendance à rester isolés et les bosons à se grouper. Le gluon est une particule d’interaction, un boson, au même titre que le photon, les mésons (le pion, le kaon, le Eta, le Rho, le Phi, etc),le Z, le W ou le Higgs. Chaque boson est lié à une sorte d’interaction. Le gluon est lié à l’interaction dite forte qui relie entre eux les quarks.
L’anti-écrantage est une propriété du vide quantique qui repose sur des particules appelées « gluons » car ils ont un rôle de « colle » (précisons tout de suite que cela n’a absolument rien à voir avec le mécanisme d’une colle !!!) empêchant le noyau atomique de se décomposer. Plus exactement, ils empêchent protons et neutrons de se décomposer en leurs éléments, les trois quarks qui les fondent. Grâce aux gluons, jamais un quark ne quitte l’ensemble des trois quarks.
Comme toutes les autres particules, le gluon possède deux états, un dit réel et l’autre dit virtuel (qui est éphémère)
L’apparente stabilité des noyaux est un équilibre près à sauter rapidement et violemment à un autre équilibre. Le proton est très loin de rester dans le même état. Il change notamment du fait des interactions avec les nucléons (proton ou neutron) les plus proches. Mais il change aussi du fait des interactions avec ses propres particules d’interaction (les gluons).
La base de la théorie des quarks est très simple : il faut trois quarks pour former un baryon, soit un quark s’unit à un antiquark pour former un méson. Il existe six sortes de quarks (on dit six saveurs) : u, s, d, c, t, et b). La formation et la désintégration des particules s’expriment en termes de quarks. Dans la désintégration du neutron, un quark d est remplacé par un quark, ce qui fait que udd donne uud, soit un neutron se transforme en un proton plus un positron et un antineutrino. Si les quarks sont liés, il doit bien y avoir une force qui les attire les uns vers les autres, une force extrêmement forte. L’interaction entre quarks et entre nucléons est appelée la force forte. Les quarks existent sous trois formes différentes qu’on a appelé couleurs : rouge, vert et bleu. La théorie qui incorpore toutes ces caractéristiques de la force entre quarks est la Chromodynamique quantique ou QCD. Nous avons expliqué que la charge d’un électron polarise le vide en attirant les positrons virtuels et en repoussant les électrons virtuels dans l’espace autour de lui. Cela écrante sa charge, diminuant la force effective ressentie à distance. Un effet semblable de polarisation se passe autour d’un quark, mais cette fois il met en jeu la couleur au lieu de la charge électrique. La charge de couleur d’un quark attire les antiquarks virtuels de l’anticouleur appropriée. Le vide contient aussi des gluons virtuels, qui participent aussi à la polarisation puisqu’ils sont colorés, mais leur effet est au contraire de renforcer la charge de couleur au lieu de l’écranter. Les gluons l’emportent sur les quarks, et le résultat net est que la charge effective de couleur augmente au lieu de diminuer. Pour deux quarks très proches, l’effet anti-écran est évité, expliquant le confinement des quarks.
La chromodynamique quantique (ou QCD), découverte en 1973, utilise la théorie quantique des champs pour rendre compte de l’interaction entre quarks et gluons.
D’après cette théorie, les quarks (et les antiquarks correspondants) sont confinés dans les particules qu’ils constituent, c’est-à-dire qu’il est impossible d’en observer à l’état libre. Ils possèdent une propriété nommée « couleur » : bleue, verte ou rouge pour une particule ; antibleue, antiverte ou antirouge pour une antiparticule. Il s’agit d’un nombre quantique, analogue à la charge électrique de la force électrostatique. Un autre principe fondamental de la théorie est qu’une particule constituée de quarks doit toujours avoir une couleur résultante blanche, c’est-à-dire que sa charge de couleur doit être nulle. Cela peut être obtenu en combinant trois quarks de couleurs différentes : bleu, vert et rouge. Le baryon résultant est ainsi de couleur blanche. De la même façon, en combinant un quark et un antiquark de couleurs opposées (par exemple, bleu et antibleu), nous obtenons un méson de couleur blanche.
En QED (ou électrodynamique quantique, théorie qui précède la QCD et remplace l’ancienne électromagnétisme), le vide est assimilé à un milieu diélectrique, polarisable par les fluctuations quantiques, capables d’écranter la charge électrique. La charge renormalisée décroît quand la distance croît. Comme QCD est aussi une théorie renormalisable, on peut lui appliquer un raisonnement analogue… mais on aboutit à une situation totalement inversée. A cause de l’autocouplage des gluons, les diagrammes de polarisation du vide comportent en QCD des boucles de gluons. La contribution de tels diagrammes (absents en QED) est de signe opposé à celle des diagrammes avec boucles de quarks (analogues à ceux présents en QED), et elle est si importante qu’elle inverse l’effet de polarisation du vide. Au total, en QCD, la polarisation du vide provoque un anti-effet d’écran. La « charge de couleur » (qui caractérise le couplage dans l’interaction forte) est renormalisée en sens inverse de la charge électrique : elle croît, au lieu de décroître, avec la distance. Cette propriété a emporté la décision de faire de QCD la théorie de l’interaction forte.
Nepal, « Voyage au cœur de la matière », éditions du CNRS :
« Interaction forte et cohésion des noyaux
Puisque deux charges électriques de même signe se repoussent à cause de l’interaction électromagnétique, on peut se demander pourquoi des protons chargés positivement et des neutrons sans charge peuvent former un édifice aussi solidement lié que le noyau de l’atome.
La réponse à cette question a été précisée au cours des années soixante-dix, quand on a pu mettre en évidence la présence de quarks dans les protons et les neutrons et analyser l’interaction entre quarks, dont la portée est de l’ordre d’un femtomètre. On a appelé celle-ci « interaction forte » car c’est la plus intense de toutes.
Cette interaction, très efficace, a des propriétés particulièrement étranges ; ainsi, on n’a jamais mis en évidence un quark hors du nucléon, ce qui rend difficile d’affirmer d’un trait de plume que le nucléon renferme des quarks.
On sait définir une « charge d’interaction forte », analogue à la charge électrique ou à la masse, mais qui ne peut pas être décrite par un seul nombre ; pour en rendre compte, on a baptisé cette nouvelle charge « couleur », car on sait que dans la vie courante la combinaison des couleurs ne peut pas être décrite par de simples opérations sur des nombres.
Enfin, on a mis en évidence la particule qu’échangent deux quarks porteurs d’une charge de couleur. Cette particule est appelée « gluon » pour rappeler qu’elle assure, comme une glu, la cohésion des quarks dans le nucléon (le proton ou le neutron). L’action des gluons s’étend, au-delà des dimensions du nucléon, jusqu’à ses voisins dans le noyau. La matière nucléaire n’apparaît donc plus simplement comme un agrégat de protons et de neutrons.
D’un point de vue pratique, l’interaction forte à l’origine de la stabilité des noyaux, est aussi responsable des phénomènes de fission nucléaire (source de l’énergie domestiquée dans, et délivrée par, les réacteurs nucléaire) et de fusion nucléaire (qui entretient la combustion des étoiles). (…)
Les particules médiatrices de l’interaction forte sont huit gluons qui diffèrent par leur charge de couleur. Le gluon est de spin 1. (…)
Les particules de matière associées à l’interaction forte sont les quarks, dont sont constitués (entre autres) les nucléons… On dit souvent que dans le nucléon ne sont présents que deux quarks, le quark up (noté u et de charge électrique positive 2e/3, e étant la charge de l’électron) et le quark down (noté d et de charge électrique négative –e/3). On dit même parfois que deux quarks u et un quark d constituent le proton, et que deux quarks d et un quark u forment le neutron.
La réalité est plus complexe : un nombre impressionnant de gluons, de quarks et d’antiquarks (car chaque quark correspond aussi à une antiparticule, un antiquark) peuplent le proton. (…)
Dans les années 1950 et 1960, on découvrit des particules de spin entier, plus légères que le nucléon, que l’on appelle « méson » (ce qui veut dire de masse intermédiaire) ; on mit aussi en évidence des particules plus lourdes que le nucléon, de spin un demi ou trois demis, que l’on appelle des hypérons. Parmi ces particules, certaines illustrent une situation particulière : elles sont formées dans une interaction forte, mais se désintègrent, seules, lentement, bien plus lentement que toutes les autres particules leur ressemblant ; leur temps de vie est supérieur à dic puissance moins dix secondes (alors qu’il devrait être de dix moins vingt-neuf secondes). Ces particules furent appelées « étranges »… Le théoricien Murray Gell Mann a reconnu que leur présence signait la présence d’un troisième quark, qu’il a appelé « étrange » (strange en anglais, et noté s). Il a aussi un spin un demi, sa charge électrique est –e/3…
Un quatrième quark a été trouvé, le quark « charmé » noté c… puis un cinquième appelé « beau » et noté b, enfin un sixième quark appelé « top » et noté t…
Le vide et ses propriétés d’écrantage et d’anti-écrantage
La théorie quantique des champs décrit les interactions entre particules comme résultant de l’échange de particules d’interaction (du type photon ou gluon notamment), et peuple le vide de nombreuses particules fugitives, se matérialisant puis s’annihilant à un rythme élevé…
Supposons d’abord qu’on mesure la charge d’un positron à partir de la force qu’il exerce sur un électron voisin. Les paires électron-positron qui surgissent à tout instant du vide, bien que de durée de vie très faible, sont sensibles à la présence du positron. Celui-ci attire les charges négatives et repousse les charges positives. On trouve donc au voisinage du positron un excès de charges négatives : les paires électron-positron du vide font écran à l’interaction entre le positron et l’électron. Pour ce dernier, le positron a une charge apparente plus petite…
Cependant, plus l’énergie de l’électron augmente, plus il va s’approcher du positron au cours de la collision. Il va alors pénétrer d’autant plus dans le nuage de l’électron et être sensible à la véritable charge du positron. Ainsi, plus nous sondons la matière à courte distance, c’est-à-dire avec des énergies élevées, moins nous sommes sensibles à l’écrantage du vide et plus l’interaction devient intense.
Venons-en à la dépendance de l’intensité des forces d’interaction forte et faible avec l’énergie mise en jeu. Au lieu de considérer des positrons et des électrons comme précédemment, on peut associer aux particules élémentaires des petits éléments de conducteur parcourus par des courants électriques de même sens. Ces « courants » sont l’analogue des gluons de l’interaction forte.
D’après la loi de Biot et Savart, les forces mutuelles – magnétiques dans ce cas – sont attractives lorsque les courants sont de même signe, et répulsives dans le cas contraire. Leur présence dans le vide se traduit par une propriété, cette fois d’ « anti-écrantage ».
En effet, pour mesurer la force exercée par un de ces éléments de courant sur un autre, placé à proximité, en tenant compte des propriétés du vide, il nous faut considérer les effets des paires de gluons – c’est-à-dire dans notre image classique, des paires d’éléments de conducteur – surgissant spontanément du vide du fait des fluctuations d’énergie déjà évoquées.
Parmi ces paires, seuls les éléments de conducteur qui subissent une force magnétique attractive – c’est-à-dire avec un courant de même sens – s’accumulent autour de celui dont on veut mesurer la force qu’il exerce, tandis que les autres sont repoussés. Plus on approche l’élément de courant de celui dont on veut mesurer l’influence, plus ce premier élément pénètre le nuage des autres éléments voisin, ce qui affaiblit la force attractive totale exercée.
Au contraire, plus on éloigne l’élément d’épreuve, plus il devient sensible à un grand nombre d’éléments de conducteur parcourus par des courants allant dans le même sens, et plus la force attractive est importante.
La conséquence pour la mesure de la force totale exercée sur un élément de conducteur est bien l’opposée de celle observée dans le cas de la mesure de la charge du positron décrite ci-dessus. Ainsi, dans le cas des interactions fortes ou faibles, l’intensité devient d’autant plus élevée que nous sondons la matière à grande distance, c’est-à-dire avec des énergies peu élevées ! »
Maurice Jacob dans « Au cœur de la matière »
« Il y a trois quarks dans un proton et trois antiquarks dans un antiproton. Ces quarks (ou ces antiquarks) se trouvent liés par des échanges de gluons. Ils peuvent émettre et absorber des gluons, ce qu’ils font sans cesse. Il s’agit de processus « virtuels » qui ne durent qu’un temps infime mais la collision entre le proton et l’antiproton ne dure aussi qu’un temps infime. (…) On touche là un des grands problèmes de la physique actuelle qui tient à la nature du vide…
Nous savons que les quarks sont liés entre eux par l’échange de gluons, comme les particules chargées sont liées entre elles par l’échange de photons. Le photon est sensible à la charge de la particule mais il n’a lui-même pas de charge. Le gluon est sensible à la couleur de la particule et il a lui-même une couleur.
Cette couleur n’a rien à voir avec la couleur habituelle des choses. Néanmoins, cette appellation imagée recouvre certaines analogies et c’est cette couleur qui donne son nom à la chromodynamique quantique…
Chaque type de quark se présente sous trois variétés de couleur, les antiquark portant une anticouleur. Le gluon se présente, lui, sous huit variétés, accolant une couleur et une anticouleur différentes. Cela lui permet de changer la couleur d’un quark.
Pour l’instant, retenons simplement que les quarks, les antiquarks et les gluons portent tous de la couleur. Si le vide est opaque à la couleur, ils ne peuvent pas sortir des particules qui les contiennent et apparaître tels qu’ils sont parmi les débris d’une collision.
Mais pourquoi le vide est-il opaque à la couleur ? C’est une propriété remarquable de la chromodynamique quantique. On la comprend mais on ne la maîtrise pas encore complètement…
La réaction du vide, menant au confinement des quarks, va se produire chaque fois qu’un quark et un antiquark, qui neutralisent mutuellement leur couleur, vont essayer de s’éloigner l’un de l’autre, en tâchant ainsi de se propager séparément dans le vide. La réaction du vide se fait sentir dès le dixième de fermi et elle est énorme à un fermi de distance. Elle ne diminue par alors que le quark et l’antiquark perdent en fin de compte toute l’énergie qu’on avait pu leur donner au départ dans un essai infructueux de les séparer.
Un électron et un proton s’attirent avec une force qui décroît comme l’inverse du carré de leur distance. Si l’on tire assez fort sur l’électron, on peut l’arracher du proton. Plus on éloigne l’électron, plus la force à vaincre pour achever de l’arracher est petite…
La chromodynamique quantique donne au contraire une force qui devient vite constante selon la distance… Il faudrait une énergie infinie pour arracher le quark de son nucléon…
Dans le proton et le neutron, les trois quarks ont des couleurs toutes différentes, l’ensemble donnant du blanc. La couleur y est cachée – protons et neutrons peuvent circuler librement dans le vide. Les manifestations directes de la couleur sont confinées à la bulle dans le vide de l’ordre de 1 fermi associée à la particule. Créer une telle bulle dans le vide coûte de l’énergie. Elle représente l’essentiel de l’énergie de masse de la particule, un résultat surprenant dans la mesure où l’on avait coutume de considérer la masse comme une propriété intrinsèque de la particule ou associée à ses constituants. Il s’agit maintenant d’une réaction du vide à la présence des constituants de cette particule…
On peut arracher les électrons d’un atome. On peut arracher les nucléons d’un noyau. On ne peut pas arracher les quarks de l’intérieur d’un hadron. Et pourtant les quarks sont bien là ! Les hadrons nous apparaissent comme des bulles dans le vide et ces bulles contiennent des quarks, des antiquarks et des gluons dont la chorégraphie est réglée par la chromodynamique.
La distribution de couleur à l’intérieur des bulles leur permet d’interagir entre elles, même fortement, bien qu’elles soient globalement blanches, comme des molécules qui s’attirent bien que globalement neutres…
Les quarks ont une charge électrique, les gluons n’en ont pas. Un photon « voit » un quark. Il ne « voit » pas un gluon. Les quarks peuvent se transformer l’un dans l’autre. Un quark d peut devenir un quark u dans un noyau alors qu’un neutrino se transforme en électron. Le W qui est alors échangé est insensible à la présence d’un gluon…
Si on observe l’absorption-émission d’un gluon par un quark d’un proton, le gluon se fragmente en une paire quark-antiquark qui va redonner un gluon. Une fraction de l’énergie du proton peut se trouver maintenant sur un antiquark…
La masse des nucléons n’a maintenant rien à voir avec celle des quarks qui la constituent. Elle résulte d’effets dynamiques à l’échelle du confinement qui apparaît au niveau du fermi…
L’interaction forte entre quarks est due à l’échange de gluons. Ils se couplent à la couleur des quarks et portent eux-mêmes de la couleur, se couplant aussi directement entre eux. Chaque gluon a un spin 1 et une masse nulle et il doit y avoir huit gluons de couleurs différentes.
A très faible distance, on peut comparer l’interaction entre deux quarks u due à la couleur (échange de gluon) et à la charge électrique (échange de photon). A une distance de dix puissance moins dix-huit mètres, on trouve un facteur 25. Mais ce rapport monte vite avec la distance et, pour une distance trois fois plus grande, il vaut déjà 60 ! Cette force devient même si importante à plus grande distance qu’on ne peut plus parler de gluon individualisé. Les gluons fortement couplés se multiplient et les quarks se soudent en hadrons blancs pour minimiser l’énergie associée à ce déferlement de couleurs… »
Les gluons nous posent encore des colles
Sur le plasma de quarks et de gluons