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Les comités, clubs, sociétés et assemblées révolutionnaires ou la démocratie directe dans la Révolution française

samedi 20 novembre 2021, par Robert Paris

Les comités, clubs, sociétés et assemblées révolutionnaires ou la démocratie directe dans la Révolution française

« Bourgeois et bras nus » de Daniel Guérin :

À partir de 1791, lorsque le massacre du Champ-de-Mars (17 juillet) par Jean Sylvain Bailly eut fait mitrailler le peuple, les militants des sections parisiennes firent de leur costume un manifeste politique contre le régime de monarchie constitutionnelle censitaire.

Quelques journalistes surent coller à ce peuple combattant et révolutionnaire : Jean-Paul Marat et son Ami du peuple, dans un tout autre registre, Jacques-René Hébert et son Père Duchesne, mais aussi Jacques Roux et son groupe les Enragés. Ils en furent longtemps les porte-paroles, plus que les guides, incontestés. Les sans-culottes se rassemblaient, d’une part, dans les assemblées des sections et, d’autre part, dans les clubs. Les assemblées des sections, organismes de la vie de quartier institués dès 1790, n’accueillaient en principe que les citoyens actifs ; cependant, le rôle primordial joué par nombre d’ouvriers et petits artisans, ainsi que le fait qu’ils étaient restés armés depuis 1789, leur donna voix au chapitre. Les clubs surtout — club des Cordeliers, club de l’Évêché, Société fraternelle des deux sexes, Club helvétique — furent l’instrument dont les sans-culottes se servirent pour influencer la vie politique. Le club de l’Évêché, issu des Cordeliers, joua un rôle important dans la préparation du 10 août, jour de la prise des Tuileries et de la chute du trône. À partir de septembre 1792, le club des Jacobins s’ouvrit aux citoyens les plus pauvres : il devint dès lors le plus important des lieux de réunion pour les sans-culottes.

Ceux-ci manifestaient leurs revendications par des pétitions des sections présentées aux assemblées (Législative, puis Convention) par des délégués ; il y eut ainsi une succession de pétitions réclamant l’arrestation des chefs girondins avant l’insurrection du 31 mai au 2 juin. L’insurrection, la « journée », était le second moyen d’action. La violence armée fut un recours fréquent du 10 août 1792 aux vaines émeutes de germinal et prairial an III. Les émeutiers, appuyés par les canons de la garde nationale à laquelle ils appartenaient, venaient montrer leur force menaçante pour obtenir gain de cause. De leur détermination et de la capacité de résistance du pouvoir politique dépendait évidemment le succès de la tentative : réel le 10 août ou le 2 juin, il fut nul durant la période de la Convention thermidorienne.

Avec la mise en place, en 1792 et 1793, des comités de surveillance, les sans-culottes eurent un troisième moyen de pression sur la politique : la police et les tribunaux reçurent par milliers les dénonciations des traîtres et conspirateurs supposés. Pour l’efficacité de la Terreur, la surveillance révolutionnaire exercée par les sans-culottes était indispensable. Celle-ci abolie par la Convention thermidorienne, vint le moment où les sans-culottes, privés du club des Jacobins, désarmés, fichés et suivis par une police remarquablement infiltrée, durent abandonner leur pouvoir de pression. La République ne serait plus ni sauvée ni dirigée par leur colère, mais par les militaires.

Les 48 sections de Paris qui, dans le cadre de la Commune, constituèrent les foyers mêmes du nouveau pouvoir populaire, avaient une origine beaucoup plus récente. A l’occasion de l’élection en deux degrés aux Etats-généraux, le ministre de le Louis XVI, Necker, avait découpé Paris en 60 districts (…) Cette opération avait pour but d’affaiblir, en le divisant, l’esprit révolutionnaire de la capitale. (…) Au lendemain du 14 juillet, la subdivision de Paris en 60 bureaux de vote qui, à l’origine devaient se réunir une seule et unique fois, fut rendue permanente. Plus tard, ceux-ci furent remplacés par 48 sections. A la veille du 10 août 1792, les sections arrachèrent à l’Assemblée le droit de se réunir en permanence ; et après le 10 août non plus seulement ceux qui payaient le « cens » mais tous les citoyens y furent admis. (…) Nous voyons les premiers symptômes de dualité de pouvoirs dès juillet 1789. A l’orée de la Révolution, il y a dualité de pouvoirs non seulement entre le roi et l’Assemblée nationale, mais déjà entre l’Assemblée nationale, interprète des volontés de la haute bourgeoisie, et la Commune de Paris, cette dernière s’appuyant sur les couches inférieures du tiers état de la capitale. (…) La dualité de pouvoirs se manifesta d’une façon beaucoup plus accusée à l’occasion de l’insurrection du 10 août 1792. Dès la seconde quinzaine de juillet, les sections avaient nommé des délégués qui s’étaient réunis à l’Hôtel de Ville. (…) Le 10 août, l’assemblée des sections se substitua à la Commune légale et se constitua en Commune révolutionnaire. Celle-ci se présenta face à l’Assemblée bourgeoise comme l’organe de la volonté populaire. (…) Mais la dualité de pouvoirs est un fait révolutionnaire et non constitutionnel. Elle peut durer un certain temps, mais pas très longtemps. (…)

Tôt ou tard, l’un des pouvoirs finit par éliminer l’autre. (…) « La dualité de pouvoirs est, en son essence, un régime de crise sociale : marquant un extrême fractionnement de la nation, elle comporte, en potentiel ou bien ouvertement, la guerre civile. » Au lendemain du 10 août, les pouvoirs de la Commune révolutionnaire de Paris et ceux de l’Assemblée s’équilibrèrent un instant. Cette situation qui provoqua une crise politique aiguë, ne dura que quelques semaines. L’un des deux pouvoirs dut finalement s’effacer devant l’autre, et ce fut la Commune. Au lendemain du 10 août 1792, les pouvoirs de la Commune révolutionnaire de Paris et ceux de l’Assemblée s’équilibrent un instant. Cette situation, qui provoqua une crise politique aigüe, ne persista que quelques semaines. La Commune eut le dessous. Le 31 mars 1793, la dualité de pouvoirs prit de nouveau une forme ouverte. Comme au 10 août, une Commune révolutionnaire s’était substituée à la Commune et, face à la Convention et à son Comité de Salut public, elle avait fait figure de nouveau pouvoir. Mais la dualité ne dura cette fois, que l’espace d’un matin. Le pouvoir officiel s’empressa de faire rentrer dans le néant la Commune insurrectionnelle. Après la chute des Girondins, la lutte entre la Convention et la Commune, entre le pouvoir borugeois et le pouvoir des masses, continua sourdement. Elle prit, à nouveau, un caractère aigu, en novembre 1793, lorsque la Commune, se substituant à la Convention, entraîna le pays dans la campagne de déchristianisation et imposa à l’Assemblée le culte de la Raison.

La bourgeoisie riposta en rognant les pouvoirs de la Commune qui, par le décret du 4 décembre, fut étroitement subordonnée au pouvoir central. En février-mars 1794, la lutte se raviva entre les deux pouvoirs. Celui issu des masses fut, alors, d’avantage représenté par les sociétés populaires des sections, groupées en un comité central, que par la Commune elle-même. Mais les dirigeants de cette dernière, sous la pression populaire, eurent, à deux reprises, avant la chute des hébertistes, avant celle de Robespierre, de vélléités de coup d’Etat. Ce fut le chant du cygne de la dualité de pouvoirs. La bourgeoisie accusa les partisans de la Commune de vouloir « avilir la représentation nationale » et elle brisa le pouvoir populaire, donnant ainsi le coup de grâce à la Révolution. (…) Du moment où la bourgeoisie se mettait en travers du torrent populaire, elle devait se forger une arme lui permettant de résister à la pression des bras nus : le renforcement du pouvoir central. Le synchronisme des dates – cette fois encore – est frappant : le décret sur la liberté des cultes est du 6 décembre (1793) ; le grand décret par lequel furent mis définitivement en place les premiers éléments d’un pouvoir central fort, est du 4 décembre. On assiste à une étape de la formation de la machine de l’Etat par laquelle la bourgeoisie va asservir le prolétariat. L’Etat centralisé, bureaucratique et policier, « cet effroyable corps parasite qui enveloppe le corps de la société française et en bouche tous les pores » (selon Marx dans « Le dix-huit brumaire de Louis Bonaparte, 1852) (…). L’une des raisons pour lesquelles l’évolution que l’on va retracer a été mal comprise provient sans doute de ce que le régime de 1793 a confondu, sous les divers noms de « dictature de salut public », « dictature montagnarde », « dictature jacobine », « gouvernement révolutionnaire », deux sortes de contrainte : d’une part, un pouvoir populaire, démocratique, décentralisé, propulsé du bas vers le haut, celui des sans culottes en armes, groupés dans leurs sections, leurs comités révolutionnaires, leurs clubs, leurs communes, exigeant à l’occasion de revers extérieurs le châtiment impitoyable de l’ennemi intérieur ; d’autre part, une dictature bourgeoise, autoritaire, centralisée, propulsée du haut vers le bas et dirigée certes contre les résidus de l’Ancien Régime, mais aussi, et de plus en plus, contre les bras-nus. (…)

Le décret du 4 décembre stipulait, par ailleurs, que les comités révolutionnaires relèveraient directement et sans aucun intermédiaire du Comité de sureté générale. Ils devenaient des organes subalternes de police, des rouages d’Etat. Les communes, dans toute l’étendue de la France, et, du même coup, leurs sociétés populaires, leurs comités révolutionnaires, se virent interdire toutes relations directes entre eux, toute réunion dite centrale englobant plusieurs localités ou plusieurs départements. (…) Dans le décret du 4 décembre, un article entier leur fut consacré : « Tout congrès ou réunions centrales établis, soit par les représentants du peuple, soit par les sociétés populaires, sous quelque dénomination qu’ils puissent avoir sont révoqués et expressément défendus par ce décret, comme subversifs de l’unité d’action du gouvernement, et tendant au fédéralisme. » (…) Les militants d’avant-garde ne se méprirent pas sur le sens du renforcement du pouvoir central, dont les premiers signes s’étaient manifestés dès l’été 1793. Ils comprirent que le gouvernement fort qui, peu à peu, s’établissait avait une pointe dirigée contre l’avant-garde populaire. Les enragés, les premiers, avaient dénoncé l’évolution qui se dessinait. Le 4 août, Leclerc avait commenté en ces termes la proposition de Danton d’ériger le Comité de Salut public en Comité de gouvernement : « Je ne vois, dans cette masse de pouvoirs réunis dans le Comité de salut public, qu’une dictature effrayante. » Les enragés constataient avec stupeur que la Terreur, dont ils avaient tant de fois réclamé l’institution n’était plus la la terreur par en bas mais une terreur par en haut qui broyait indistinctement la contre-révolution et la révolution militante. Les hébertistes, qui voyaient le Conseil exécutif, où ils étaient influents, réduit par la dictature à un rôle subsidiaire, avaient aperçu, eux aussi, le danger, et l’avaient dénoncé. (…) Opposer le Conseil exécutif au Comité de Salut public, c’était mal poser la question : la vraie rivalité n’était pas tant entre ces deux organismes qu’entre le pouvoir central (Convention et Comité de Salut public) et la Commune, entre le pouvoir bourgeois et le pouvoir populaire. Si l’on voulait achever d’écraser les royalistes de l’intérieur et de l’extérieur, si l’on voulait que cette contrainte ne servît pas, en même temps, contre les masses, il eût fallu se délivrer pour de bon du mythe de la « représentation », ressusciter la Commune insurrectionnelle du 10 août 1792 et du 31 mai 1793. Mais il y manquait encore bien des conditions telles que, entre autres, l’existence non seulement à Paris, mais aussi dans tout le pays, d’une avant-garde suffisamment nombreuse, différenciée et consciente. »

Quand la Révolution française anticipait la démocratie des travailleurs révolutionnairement organisés en comités :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4728

La Révolution française, c’est la mobilisation des masses et leur auto-organisation :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5794

Les comités de piques et de bras nus dans la Révolution française (1789-1793) :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article1082

Les comités de surveillance et sociétés populaires :

file :///C :/Users/HP/AppData/Local/Temp/ad023-44l-comite-de-surveillance-et-societes-populaires-20140204.pdf

Les Sections révolutionnaires de Paris :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Section_r%C3%A9volutionnaire_de_Paris
Les sociétés populaires et révolutionnaires, vues par l’Etat français actuel :

https://francearchives.fr/findingaid/5528b67dfd9703290fd82ac151c35040e6a11a2e

Le rôle des comités de surveillance :

https://www.persee.fr/doc/ahrf_0003-4436_2002_num_330_1_2614

Les comités révolutionnaires de 1793 :

https://fr.wikisource.org/wiki/Histoire_de_la_R%C3%A9volution_fran%C3%A7aise_(Michelet)/Livre_X/Chapitre_9

Le cercle social :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Cercle_social_(club_r%C3%A9volutionnaire)

Club des cordeliers :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_des_cordeliers

Club des jacobins :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Club_des_jacobins

Société des républicaines révolutionnaires :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Soci%C3%A9t%C3%A9_des_r%C3%A9publicaines_r%C3%A9volutionnaires

Les Clubs politiques pendant la Révolution :

https://www.toupie.org/Dictionnaire/Clubs_politiques.htm

Les congrès de sociétés populaires :

https://www.persee.fr/doc/ahrf_0003-4436_1986_num_266_1_4566

Souvenirs sur les comités révolutionnaires :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62145584.r=Rapport%20sur%20les%20Clubs%20et%20Soci%C3%A9t%C3%A9s%20Populaire?rk=128756;0

Les Comités de surveillance révolutionnaire :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Comit%C3%A9_de_surveillance_r%C3%A9volutionnaire

Les Comités de section des Piques :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Section_des_Piques

Le Comité de salut public :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Comit%C3%A9_de_salut_public

Les Comités de section révolutionnaire :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Section_r%C3%A9volutionnaire_de_Paris

Le Comité de l’Évêché, dans l’insurrection du 31 mai au 2 juin 1793 :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Journ%C3%A9es_du_31_mai_et_du_2_juin_1793

Les comités révolutionnaires de Tulle :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6259210x.r=comit%C3%A9s%20de%20piques%20de%20la%20r%C3%A9volution?rk=321890;0

Les comités et clubs de femmes révolutionnaires :

http://www.matierevolution.fr/spip.php?article254

Les comités des assemblées révolutionnaires : des laboratoires de la loi :

https://journals.openedition.org/lrf/673

La Commune de Paris (1789-1795) :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Commune_de_Paris_(R%C3%A9volution_fran%C3%A7aise)
Les sections de Paris :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62155556/f1n355.texteBrut

Les sections révolutionnaires de Paris :

https://www.parisrevolutionnaire.com/spip.php?article2956

Les arrêtés des assemblées générales des sections parisiennes :

https://www.cairn.info/revue-annales-historiques-de-la-revolution-francaise-2017-4-page-239.htm

Les jacobins :

http://www.gauchemip.org/spip.php?article7318

Les Montagnards, Robespierre et les Jacobins étaient-ils l’aile marchante de la révolution française :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3001

Les "Enragés" dans la Révolution française :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article362

Les plus grands noms de la révolution française (1789-1795) :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5333

En l’an 1793, le peuple de Paris a réussi à détenir le pouvoir entre ses mains pour une courte durée (Rosa Luxembourg) :

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5484

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