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Contre les crimes oubliés de l’impérialisme français en Ukraine : hommage aux ouvriers GORBATIOUK et PRYSCHAK, tués et pendus par l’armée française dans la gare d’Odessa (18 février 1919)

vendredi 25 mars 2022, par Alex

Impérialisme français, hors de Roumanie et d’Ukraine !

Ces mots d’ordre élémentaires, on les cherchera en vain dans les discours des deux candidats d’extrême gauche aux présidentielles : LO et NPA.

Lutte ouvrière se réclame de Trotsky, parfois de Lénine, mais se garde bien de remplir la 8ème des 21 conditions mises par l’Internationale communiste pour en faire partie :

Tout Parti appartenant à la III° Internationale a pour devoir de dévoiler impitoyablement les prouesses de « ses » impérialistes aux colonies, de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d’émancipation dans les colonies, d’exiger l’expulsion des colonies des impérialistes de la métropole

Dans ses récents éditoriaux ou publications, LO utilise les termes vagues d’« impérialismes », de « grandes puissance », d’OTAN, au lieu de cibler systématiquement et explicitement l’impérialisme français.

Par exemple dans le texte récent Des peuples unis par la révolution, séparés par la réaction prétendant rappeler l’histoire de la naissance de l’URSS, on lit, à propos de l’Ukraine de 1917-1920 :

Des combats y opposèrent l’Armée rouge aux corps expéditionnaires des grandes puissances de l’époque

Les« puissances de l’époque » ! Parle-t-on de Babylone, de Ramsès II, de Sparte ? Non on parle des puissances de l’ère impérialiste qui est toujours la notre : USA, France, Royaume-Uni, etc. Et à « cette époque », le gendarme en chef de la réaction en Europe était ... l’impérialisme français. Le texte en question ne mentionne pas l’impérialisme français, au moment où celui-ci vient d’envoyer ses troupes à Constanza en Roumanie,en 2022 comme en 1919 !

Alors que la presse aux ordres verse des larmes de crocodile sur les malheurs qui frappent Odessa, Kherson, la Crimée, il est temps de rappeler qu’il y a 100 ans c’est l’armée française qui menait une politique de terreur contre les ukrainiens dans ces villes.

L’épisode suivant est tiré de la Révolte de la Mer Noire d’A. Marty (édition de 1927), il décrit les meurtres de l’armée française, analogues à la répression contre la commune, visant avant tout les ouvriers.

Un épisode est la pendaison de deux ouvriers en pleine gare d’Odessa, pour terroriser la population, à la mode des Taliban, voir la photo ci-dessous.

L’armistice avec l’Allemagne a été signé le 11 novembre 1918. Nous sommes en 1919, les soldats français ne comprennent pas pourquoi il sont encore mobilisés contre la Russie, sans que la guerre ait été déclarée. La propagande du parti bolchévik les aide à comprendre que c’est contre la révolution de leur frères de classe les ouvriers et paysans d’Ukraine qu’ils sont enrôlés. Cette propagande est relayée dans l’armée française par des soldats comme A. Marty. La révolte gronde dans l’armée française face aux horreurs que ses officiers organisent ...

Extrait du livre d’Andre Marty

La décomposition de l’armée française, sous l’influence de la propagande bolchéviste, des noyaux de soldats et marins propagandistes propagandistes et de l’action ouvrière en France pour la Révolution russe, s’accentuait. D’innombrables rapports de police et de commandants d’unités militaires et navales jetaient chaque jour l’effroi au quartier général.

Les brutes militaires qui commandaient l’armée et la flotte étaient littéralement affolées. Que faire ? Que saisir ? Les perquisitions arrivaient bien, parfois, à s’emparer de la terrible littérature, mais impossible d’en connaître la provenance ; impossible d’’en arrêter la distribution. L’Etat-major sentait, jour par jour, les soldats lui échapper ; il sentait monter la catastrophe.

Alors, pour sauver la situation, pour briser cet ennemi invisible et insaisissable, il eut recours à la torture ; il tua, il massacra à tort et à travers. On ne pourra jamais dénombrer les crimes commis, pendant ces quatre mois, par les autorités militaires françaises ; on ne les connaîtra jamais tous. J’en vais citer quelques-uns, tous furent semblables. Surtout, que le commandement n’essaie pas de rejeter la faute sur des comparses subalternes ! Il y avait ordre du quartier général de fusiller immédiatement tout propagandiste pris sur le fait. Il fut affiché dans toute la zone du capitaine Lanchon, commandant d’arme de Kherson, spécifie : « les agitateurs bolchévistes seront immédiatement fusillés ». La même menace est reprise, dans les mêmes termes, par le paragraphe 6 de l’ordre, affiché à Boroslav, par le chef de la milice, Mantchenko, nommé à ce poste par le commandement français.

Pour un oui ou pour un non, les volontaires [armée russe contre-révolutionnaire, fondée dès décembre 1917 par des généraux du Tsar] abattaient les ouvriers en pleine rue. Et les officiers français prirent exemple sur eux. Ils excitaient même les soldats à les imiter. C’est un capitaine du 1er R.M.A., qui rassemble sa compagnie et lui tient ce langage :

« Vous savez ce que sont les bolchéviks ? Des bandes de brigands. Ils sont cachés parmi la population. Aussi, dans les rues, si vous êtes accostés, envoyez-les promener, et si on vous em..., si on vous regarde de travers, n’hésitez pas : foutez-leur votre baïonnette dans le ventre »

On pouvait donc tuer librement !!

Le même soldat raconte : Nous étions de garde hors de la ville, sur la voie du chemin de fer. La consigne était de ne laisser franchir la voie qu’aux gens ayant un laissez-passer de la Place ; ordre de tirer sur qui enfreindrait la consigne. Or, nous ne connaissions pas la langue russe. Nous ne pouvions nous expliquer, ni nous faire comprendre, ni lire les laissez-passer, écrits en russe, et nous laissions passer tout le monde, pour être sûrs de ne pas nous tromper. Mais si nous avions appliqué la consigne, que de victimes n’y aurait-il pas eu ! Et c’étaient des ouvriers, qui passaient par là !

Un autre soldat raconte :

Un soir, malgré la consigne, j’avais filé avec quelques camarades, et nous étions allés au bal. C’était une fête au bénéfice des ouvriers sans travail. Nous fûmes, comme toujours, très bien accueillis par la population.

Les couples tournaient gaiement. Soudain, un grand bruit, une bousculade. La police russe entre dans la salle. Les fusils sont braqués sur les assistants. certains policiers, armés de revolvers, mettent leurs armes sous le nez des danseurs atterrés.

Avec la brutalité la plus ignoble, on fouille tout le monde. Un gamin de quinze ans fait mine de refuser de se laisser fouiller. Un de ces misérables lui met le canon de son fusil sur la poitrine. Mais l’un de nous bondit, relève l’arme, protège le gamin. On n’ose pas toucher, devant la foule, au soldat français.

Eh bien ! un officier français accompagnait ces bandits de la police blanche. Je l’ai bien reconnu, le lâche, malgré son déguisement, car il n’avait pas osé garder son uniforme pour faire ce métier.

***

Ainsi traitée, la population ripostait comme elle pouvait, et c’est alors que fut commis un acte atroce, qui suscita une émotion extrêmement vive dans la classe ouvrière d’Odessa. Le 17 février, à la gare des marchandises d’Odessa, à 6 h. 35 du soir, une bombe ou une grenade à main éclata sous un wagon qui servait de logement à un petit poste français de 15 hommes, fourni par la 1ère Cie du 176ème R.I. Le wagon fut quelque peu détérioré et deux soldats très légèrement blessés par des éclats de vitres.

A peine l’explosion s’était-elle produite que les soldats se précipitèrent hors du wagon, furieux, et ouvrirent le feu dans la direction du dépôt de la gare, à coups de fusils et de mitrailleuses. Ils coururent ensuite vers la cabane du contremaître du dépôt, dans laquelle se trouvaient quelques ouvriers qui allaient au travail. Ils tirèrent sur eux et blessèrent mortellement le chauffeur du dépôt, Basile Gorbatiouk, 30 ans ; Basile Pryschak, 19 ans, nettoyeur de chaudières, qui se tenait debout, à côté de lui, fut tué d’un coup de baïonnette, et les autres, s’étant cachés et passant pour morts, s’en tirèrent. Ces deux hommes s’étaient réfugiés dans la cabane au moment de l’explosion, et ne pouvaient en être les auteurs.

Les soldats pénétrèrent ensuite dans le dépôt, et plusieurs d’entre eux frappèrent à coups de crosse sur la tête d’Alexis Slepoukhine, tourneur sur métaux, lui ouvrant le crâne en deux endroits, ce qui exigea son hospitalisation ; tous les ouvriers qui se trouvaient dans le dépôt furent aussi poursuivis et frappés.

Le commandant militaire de la gare, qui était arrivé aussitôt après l’incident, refusa formellement l’autorisation d’enlever les cadavres et ouvrit une instruction ; ils restèrent ainsi sur place jusqu’à 4 heures du matin.

A ce moment-là, par ordre de cet officier, lieutenant Guerinnoso, ils furent enlevés et pendus au pont passerelle qui surplombe la voie, avec une pancarte : « Avis aux bolchéviks ». Ce n’est que sur la protestation véhémente des ouvriers, qu’à midi, le 18, les cadavres furent dépendus et transportés à la morgue de l’hôpital de la ville.

Saisie immédiatement d’une menace de grève générale, la direction envoya une note au commandant en chef des troupes, à Odessa, signée par l’ingénieur Novitzky, qui, avec pièces à l’appui et dépositions en règles, exigeait une enquête d’urgence.

La réponse vint, tout à fait typique. La voici :

En réponse à votre note du 21 février n°117, j’ai l’honneur de vous adresser la copie du compte-rendu concernant l’incident du 17 février. D’après l’enquête, la patrouille a ouvert le feu contre les fuyards. On ne peut rejeter sur elle les responsabilités, surtout en ces temps d’agitation révolutionnaire.

Les deux cadavres restèrent sur place toute la nuit, gardés par des sentinelles. Le lendemain, effectivement, ils ont été pendus par une corde passant sous les bras, avec l’inscription : Avis aux bolchéviks. Les cadavres restèrent dans cette position jusqu’à 11 heures du matin. Ces hommes étaient, probablement, ou les initiateurs ou les complices de l’attentat. En tout cas, notre patrouille a pris les positions de combat contre les Russes en fuite. Elle a accompli son devoir. Elle a démontré qu’on n’attaque pas impunément un poste français. De là découlait la nécessité de les prendre.

******

Les assassinats se continuaient sans arrêt. Voici encore un témoignage d’un soldat du 176° R.I. :

Vers les premiers jours de février, j’étais de garde à la gare d’Odessa, à la porte même où le poste homicide avait pris la garde, quand, sur le coup de 10 heures, j’entendis un coup de revolver. C’était un sous-lieutenant de la 1ère compagnie qui tirait sur un ouvrier passant à proximité du dépôt de bois de la gare. Cet officier, alors que j’accourais, lui demandant s’il avait besoin de moi et s’il avait blessé le Russe, m’a répondu : « Je n’en sais rien, mais j’ai bien visé »

Vers la fin de février, le lieutenant Guérinni, du 176ème, abattit de plusieurs coups de revolver deux ouvriers à la gare, auprès du dépôt de bois, vers 2 heures de l’après-midi.

Le 27 février, Skobko, Chutorenko, Gueine et Perelman, 4 ouvriers du bâtiment, venaient d’être arrêtés ; tout à coup, sans aucun motif, l’escorte qui les emmenait les abattit en pleine rue d’Odessa, devant tous les passants. Et cependant, deux d’entre eux appartenaient à la droite du parti socialiste-révolutionnaire, qui collaborait avec les Français !

Le premier effet de pareilles mesures fut de renforcer les organisations bolchévistes et les milices prolétariennes, où les ouvriers s’inscrivaient en masse. Et ce n’était cependant que le début des atrocités du militarisme français !

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