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Contribution à l’histoire des Revolutionäre Kommunisten Deutschlands (RKD)

vendredi 25 novembre 2022

Lire ici :

Plateforme programmatique des RKD (1941/43)

https://bataillesocialiste.wordpress.com/2009/09/24/plateforme-programmatique-des-rkd-1941/

RKD

https://sites.google.com/site/bibliothekdeswiderstandes/rkd

https://www.oocities.org/revolutiontimes/rkdabriss.html

Michel Olivier nous envoie cet article :

Contribution à l’histoire des Revolutionäre Kommunisten Deutschlands (RKD)

Le groupe connu pendant la guerre impérialiste sous le nom de Revolutionäre Kommunisten Deutschlands (RKD), tire son origine de l’Opposition de gauche puis du mouvement trotskyste autrichien depuis 1935 . Après la rupture avec le PC autrichien, il publie le journal Bolschewik entre 1936 et 1937. Le groupe des Revolutionäre Kommunisten Österreichs (RKÖ) est reconnu en 1938 comme la section autrichienne de la IVème Internationale. Mais depuis longtemps le RKÖ possédait de nombreuses divergences avec le trotskisme « officiel » comme on peut le lire dans sa relation de ses origines dans le RKD-Bulletin d’octobre 1945 (N°1).

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1 - Les origines.

Les Revolutionäre Kommunisten Österreichs (RKÖ) sont contraint à l’exil après avoir été condamnés à de longues peines de prison le 23 septembre 1937 lors du « procès des trotskystes de Vienne » en raison de leurs activités communistes-révolutionnes. Ils se rendent donc en Europe, et en 1938, ils entrent rapidement en conflit avec le mouvement trotskyste . Ses deux délégués, Karl Fischer et Georg Scheuer , au congrès de fondation de la IVème Internationale en septembre 1938, s’opposent à ce choix et votent contre cette proclamation officielle. Bien que continuant à être d’accord avec l’analyse trotskyste de l’URSS comme étant un État ouvrier dégénéré, ils divergent de Trotsky sur l’attitude à avoir en cas de guerre dans les pays alliés qui pourraient prêter leur aide militaire à la Russie. Ils préconisent le défaitisme révolutionnaire dans tous ces pays et se rapprochent donc des positions de l’American Revolutionary Workers League (RWL - « tendance Oehler ») qui, en septembre 1939, publie son « Programme en quatorze points » comme base préalable à un nouveau regroupement international.

2 - La Commission internationale de contact (CIC) créée à cette occasion, regroupe : « la "Ligue Léniniste" de Glasgow (Angleterre),le "Front Rouge" allemand dont nous n’avons pas pu constater l’existence réelle », la RWL et « des groupements communiste de gauche du Mexique et de l’Amérique du Sud » et bien sur le RKD. (RKD Bulletin n° 5 – octobre 1945)

Le CIC s’oppose à la IV° Internationale sur deux questions :

• le défaitisme révolutionnaire en Russie car il était sur une position de défense de l’URSS tout en considérant la Russie comme un État bourgeois ;

• la question de la poursuite du travail dans les masses même en période de contre-révolution. En ce sens, il restait très activiste. La Revolutionary Workers League présente un candidat aux élections présidentielles américaines en 1936.

Cette tendance demeure encore trotskiste de gauche.

« En 1938, quand tous les partis et tous les groupes (PC, PS, Kampfbund, "Ziel und Weg", trotskistes, etc.) ont décidé de voter "oui" pour Schuschnigg, il n’y avait que notre organisation qui a lancé l’appel à la lutte de classe révolutionnaire et conséquente, au défaitisme révolutionnaire en cas de guerre impérialiste, au note "non" contre la réaction de Schuschnigg. Au courant de l’année 1938 il n’y avait que notre section qui, tout entière, a déclenché la lutte au sein du mouvement trotskiste pour la 4ème Internationale contre les falsifications centristes faites par le Secrétariat International de Trotski concernant le défaitisme révolutionnaire.

Ainsi, le RK est devenu un point de rassemblement de tous les éléments oppositionnels et léninistes au sein du mouvement trotskiste en Europe. Les lettres politiques ronéotypées et le bulletin international édités par nous à la veille de la guerre sont quelques-uns des rares documents dénonçant le caractère nettement impérialiste du massacre imminent à cette époque. Nous y avons analysé et caractérisé les trahisons de toutes les autres tendances et nous avons essayé de continuer la tradition de Lénine-Zinoviev dans "Contre le Courant".

En 1938-1939, nous avons analysé, dans une série d’articles, l’occupation de l’Autriche, de la Tchécoslovaquie, de l’Albanie, la signification de Munich, etc. : "Le nouveau partage impérialiste de l’Europe a commencé", thèses au sujet de l’occupation de la Bohème et de la Moravie, la question nationale "Johre et les Etats modernes", etc. [....]
En France, le PCF encore après le commencement de la guerre a voté à nouveau, dans la chambre

La deuxième "Internationale" et tous ses appendices politiques et organisationnels (trotskistes, le groupe du Kampfbund) ainsi que le bureau de Londres (SAP, Pivert, "Ziel und Weg") se trouvent ouvertement dans le camp de l’impérialisme anglo-américain. Ils essaient tous de ce dépasser les uns des autres en appels sanguinaires et jusqu’au-boutistes. Une partie des trotskistes français a simplement modifié la forme de son social-patriotisme en devenant germanophiles.

L’ancien mouvement ouvrier tout entier a sombré dans la honte, la lâcheté et la capitulation. »

De septembre 1939 à mai 1940, à Anvers (4ème période), en Belgique, le RKÖ publie la revue Der Marxist pour faire le lien avec la revue du RWL des USA The Marxist et, en France, le Bulletin oppositionnel.

3 - En Exil en France (mai 1940)

Après avoir été emprisonnés comme "étrangers ennemis" comme beaucoup de non-français en 1939/40 (Espagnols, Italiens Juifs, etc...), contrairement à beaucoup d’autres, ils prennent la décision consciente de rester en Europe parce qu’ils voulaient voir de leurs propres yeux la chute de l’impérialisme allemand, auquel ils essaieront d’apporter leur contribution.

Ils constituent ainsi un pôle de rupture, autour de 1941, pour un certain nombre de militants trotskistes allemands en exil. Ils prennent alors le nom de « Revolutionäre Kommunisten Deutschlands » (RKD) en lieu et place de RKÖ. Leur première conférence, pendant la guerre, se tient à Florensac prés de Montpellier en novembre 1940 .

4 – Rupture avec le trotskisme en 1941pôled

En 1941, le RKD se sépare effectivement et plus nettement du trotskysme quand il définit l’URSS comme un pays capitaliste et s’oppose catégoriquement à sa défense. Il attaque le trotskysme comme un courant congénitalement "centriste" qui rejette le bolchevisme "pur" de l’époque de Lénine. Après l’effondrement de l’impérialisme français en juin 1940, le RKD s’installe dans le Midi de la France et déploie une activité remarquable, publiant régulièrement le RK Bulletin (17 numéros jusqu’en 1943 – RK Bulletin nouvelle série reprendra en 1945 ), puis Spartakus, dont le premier numéro (mai 1943) contient un appel aux travailleurs du monde à briser leurs chaînes. Clairement internationalistes dans leur presse régulière, les RKD ont diffusé, de 1942 à 1944, dix tracts internationalistes (en allemand, yiddish, français et italien) qui s’adressent aussi aux soldats allemands et italiens sous l’uniforme.

C’est au cours de l’été 1942 que le RKD commence son activité politique et d’agitation révolutionnaire dans des conditions de dénonciation, de privation matérielle, d’exil, d’illégalité et d’un nationalisme débridé. En 1943 le RKD publie son Programme d’action adopté en 1942.

Le RKD décrit la période qui commence en janvier 1942 comme étant la septième période de sa vie politique dans laquelle il consolide ses « bases politiques et politiques organisationnelles de l’organisation : adoption du défaitisme révolutionnaire pour la Russie, par l’organisation entière, passage de la seule propagande à l’agitation. (….) consolidation de nos liaisons. (…) perte d’une série de camarade et sympathisants par des arrestations et des déportations. Actions de sauvetage et de solidarité. Solution de la question financière par des expropriations. »

5 - Le RKD, l’exil et la clandestinité.

Le RKD était aguerri aux activités et au travail politique clandestins depuis de nombreuses années déjà en Europe centrale avant la guerre.

Après la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne, Gustav Gronich fut interné parce que ressortissant d’une puissance ennemie au camp d’internement des Milles, près d’Aix-en-Provence, où il retrouva Georg Scheuer. Le 22 juin 1940, alors que l’armée allemande avait passé la frontière et avançait en direction du sud, le commandant du camp des Milles parvint à affréter un train, que l’on nommera plus tard le « train fantôme ». 2010 personnes embarquent à bord en espérant rejoindre l’Espagne ou le Maroc. Gronich et Scheuer firent partie du convoi mais, après avoir échangé des adresses de liaison, ils se séparèrent pour augmenter les chances de réussite de leur évasion. Gronich sauta du train et rejoignit des connaissances, d’anciens communistes rencontrés à Buchenwald, qui lui apportèrent de l’aide. Il parvint ensuite à se faire engager dans la légion tchécoslovaque puis fut démobilisé à Marseille en août 1940. Il se rendit alors à Montauban où il reprend contact avec les RK. Gronich trouva un emploi comme bûcheron et charbonnier à Saint Antonin dans le département du Tarn-et-Garonne. Il s’éprit alors de Lotte Israël, une jeune femme âgée d’une vingtaine d’années, également menacée par les lois raciales, qui avait rejoint le groupe des RK au cours de son exil.

Quand ils se trouvaient à Montauban, ils avaient organisé deux lieux de vie : une maison à la campagne proche où Scheuer vivait et un lieu pour le travail clandestin quai du docteur Laforgue avec un code de frappe à la porte. Les autres camarades ne connaissaient pas les autres lieux de résidence. C’est ainsi qu’au moment où la police française est arrivée dans ce dernier endroit : le lieu de travail, Mélanie Berger a pu avaler les adresses qui traînaient car la frappe à la porte n’était pas conforme. Trois membres des RKD étaient présents : Hermann Bortfeld, qui fut relâché et sommé de se présenter au commissariat le lendemain, ce qu’il ne fera pas, Georg Scheuer, qui parvint à s’enfuir (Scheuer laissa entrer les policiers et sortit en fermant la porte derrière lui), et Mélanie Berger qui fut arrêtée. Il ne pouvait y avoir aucun lien entre cet endroit et les autres logements de l’organisation qui était très cloisonnée. Certains membres ne se connaissaient pas. A l’aide d’encre secrète et de codes secrets, ils sont restés en contact avec des camarades dans sept pays : France, Belgique, Suisse, Autriche, USA, Norvège et Angleterre .

Photo Georg Scheuer en 1936

Cependant le RKD n’a pas été à l’abri de la répression comme les quelques exemples connus ci-dessous le montrent.

Lors de la perquisition à Montauban, les policiers trouvèrent une carte de rationnement de charbon au nom de Gustav Gronich. Il fut arrêté et entendu, il parvint toutefois à s’enfuir grâce à l’aide de Mélanie Berger : alors qu’ils effectuaient le trajet de la prison aux salles d’interrogatoire à pied, sous la garde de policiers, ils se concertèrent discrètement et prirent la fuite en courant dans des directions opposées. Melanie Berger fut rattrapée mais Gronich parvient à s’enfuir.

Gronich rejoignit Scheuer et Bortfeld qui avaient trouvé refuge chez Willy Kessler à Montauban. Un mois plus tard, en février 1942, Georg Scheuer, Gustav Gronich et Edith Kramer s’introduisirent dans la chambre mise sous scellés. Ils subtilisèrent différents objets (du linge, des couvertures et de la vaisselle notamment) et purent soustraire des documents importants ou compromettants pour le groupe, passés inaperçus lors de la perquisition. Ils en cachèrent également une partie dans la charpente.

Le 26 janvier 1942, trois membres ou sympathisantes féminines sont arrêtées et condamnées respectivement à des peines de quatorze mois, trois ans et quinze ans. L’une d’entre elles, déportée en Allemagne Jeanne, survivra. Une autre Madeleine Bossière reprend ses activités clandestines à l’expiration de sa peine à Marseille. La troisième, Mélanie Berger "Ana" , est libérée par le R.K.D de l’hopital de la conception alors qu’elle était à la prison des Baumettes. Le 15 octobre 1943, à midi, Lotte Israel, Ignaz Duhl, Gustav Gronich, Georg Scheuer, ainsi qu’un soldat de la Wehrmacht gagné à leur cause (identité inconnue), se présentèrent à l’hôpital. Ils enlevèrent Melanie Berger en se faisant passer pour des agents de la Gestapo sous des habits fournis par le soldat qui cherchait à déserter l’armée du Reich.

Deux autres membres du R.K.D., Ignaz Duhl (1918 -1943) et Arthur Streicher (1917-1942 ?) , sont arrêtés et assassinés par la Gestapo. Karl Fischer-"Émile", arrêté durant l’été de 1943, il se fait passé pour une alsacien bilingue, puis arrêté en 1944 et enfin transféré en Allemagne en 1944, sort vivant de Buchenwald , mais est ensuite kidnappé en Autriche par la police russe, en 1947, et passe huit ans dans un camp en Sibérie.

Photos de Mélanie Berger en 1939 et

Karl Fischer en 1962

Meurtri, mais non détruit, le R.K.D. déménage fréquemment : Montauban, Marseille, Grenoble, Lyon. Au printemps 1944, l’organisation transfère ses activités à Paris.

Pourquoi le RKD s’est il regroupé à Montauban dans cette période ? Il existait à Montauban une cantine des Quakers. Dans les souvenirs de Madeleine Bossière on peut lire :

« En juin 40, je travaillais dans les assurances, je devais rejoindre Bordeaux. Mais seulement Bordeaux a tout de suite été fermée à tout arrivage de train et donc les trains ont été détournés et, par hasard, j’arrive à Montauban, à la gare de Montauban. (...) Je suis restée. Alors d’abord, il y a eu l’arrivée des réfugiés espagnols. De temps en temps à Montauban il y avait la rafle, ils ramassaient les Espagnols ; José me l’a expliqué, c’était pour les vendanges, pour les travaux des champs. Ils les ramassaient, ils les mettaient dans un camp ; autour de Montauban il y avait plein de camps, pour qu’ils aillent bosser. (...) Et puis après, ça a été les réfugiés d’Europe centrale (qui sont arrivés). »

Madeleine Bossière

« Et puis après, par la poste restante, j’ai pu reprendre contact avec les copains autrichiens du RKD, mais dans la clandestinité, alors là, ça a été Grenoble, Lyon et Paris. J’avais écrit à la femme de José : « Je viens de rencontrer un jeune homme, parce que je les choisis jeunots, blonds tout bouclé. » Il s’agissait de Lambert, rencontré chez les Thalmann . Thalmann, étant suisse, avait pu louer une maison à Paris ; c’est là que je l’ai rencontré ; il y avait une réunion clandestine entre le RKD et le GRP. Les Thalmann abritaient des copains de passage ; c’était un couple formidable les Thalmann. » Ensuite elle est arrêtée comme Mélanie Berger et, elle écope de 14 mois de prisons. Elle est également transférée aux Baumettes après les 14 mois de prison, elle devait être transférée dans un camp. Le convoi qui devait la transférer au camp n’est jamais arrivé à la prison, de ce fait le directeur de la prison l’a laissé partir. Elle a pu reprendre contact avec le RKD.

Qui sont les membres du RKD à cette époque ?

A Montauban on retrouve notamment Georg Scheuer "Armand", Gustav Gronich (1916-2003) "Max", Lotte Israel (1920-1980), Édith Kramer (1921- ?) dite "Renée" , Karl Fischer « Emile » (1918-1963), Bortfeld, Mélanie Berger "Ana"et Madeleine Goëtzmann qui prendra le nom de Bossière à la fin de la guerre.

Trois autres membres ont été identifiés par la police française ou allemande :

Ignaz Duhl - reconnu dans la rue par un ancien condisciple en uniforme – fut arrêté,torturé et fusillé par la Gestapo en 1944 à Marseille.
Arthur Streicher "Fred" (1917-1943) ce dernier a été arrêté en 1943 sur la ligne de démarcation ; il sera fusillé par la Gestapo en 1943.
Franz Lederer ("Dieter") mourut à 26 ans en 1941 d’épuisement et de faim à Montpellier des suites d’internement dans le camp de concentration de Saint-Cyprien dans les Pyrénées orientales après avoir assisté la conférence du RKD à Florensac.

Quand les membres du RKD retourneront à Paris en 1943, ils ne seront plus que 8 d’après le témoignage de Madeleine Bossière .

6 - Poursuivons la septième période de l’activité du RKD (commencée en janvier 1942 voir note 12).

Le travail politique du RKD en direction du trotskisme de gauche, aboutit à la création des « Comités d’Initiatives Communs » avec la gauche du POI.

C’est ainsi qu’en 1942, on retrouve le RKD en discussion avec La seule voie organe du Comité Communiste Internationaliste (CCI) (avant d’intégrer le POI en tant que minorité et de devenir PCI – le POI étant le groupe trotskiste officiel) sur la question de la nature de l’URSS (cf n° 5-6 de La seule voie, octobre-novembre 1942) et sur la nécessité de collaboration (cf lettre dans le même numéro). Le RKD croit malgré tout possible de travailler avec ce groupe trotskiste défendant encore l’URSS.

En octobre 1942, ils appellent à la formation d’une nouvelle Internationale « authentique » et ils adressent une lettre au Groupe trotskiste de La Seule voie. Malheureusement, sur ce dernier point la réponse de La seule voie (LSV) est de dire « vous vous êtres trompés d’adresse... » car « cette proposition semble percer (…) une absence de principe dans la lutte politique ». LSV se réclame du trotskisme et de la IV° Internationale, traite le RKD de gauchiste et lui demande de dire ce qu’il pense de La Maladie infantile de Lénine.

Malgré tout, plus tard en 1944 après la fusion entre le POI et le CCI dans le PCI, une autre tendance existera au sein du groupe trotskiste, le PCI (la tendance Rodion et Per.) qui se manifeste à son premier congrès en 1944 avant de rejoindre les CR officiellement. En octobre 1944 les CR font une déclaration au Congrès du PCI et le quitte. En fait, les CR deviennent membres des RKD dès la « Conférence de contact » tenue également en octobre 44 entre les deux groupes .

C’est en 1942 que se forment des groupes de CR, « Communistes révolutionnaires » , qui, dans le journal-tract d’agitation Fraternisation prolétarienne en 1943 à 1945, vont défendre des positions similaires à celles développées par les RKD. Ce journal est remplacé en 1946 par Le Prolétaire qui est maintenant imprimé et plus ronéoté comme auparavant. En avril 1944 apparaît La Plate-forme des CR regroupant un groupe parisien et deux groupes de province issus (tous les deux du trotskysme) : à Toulouse (le plus important) et à Lyon.

« Le groupe FP est sorti de l’ancienne opposition communiste révolutionnaire contre la bureaucratie trotskiste d’avant-guerre . Cette opposition embrassait des groupes CR en France, en Belgique, en Allemagne et en Suisse. Les camarades DIETNER (KPD-Allemagne), de LEE et GODELAINE (PSR-Belgique) (…) étaient des militants responsables de ce mouvement » (Qu’est ce que le groupe FP ? Note du FP lui-même – cf : note 4.)

Malgré l’autonomie organisationnelle conservée par les deux groupes : RKD et CR, ils ont, malgré tout, tenté d’unir leurs forces, voire de centraliser leurs activités. Réunions, discussions, débats, etc., sont organisés en commun, toujours clandestinement. Ensemble, ils créent une commission internationale et publient un organe, L’Internationale, à partir de 1945.

Entre 1942 et 43, le RKD développe un travail intense d’agitation au sein de l’armée allemande pour la « révolution mondiale et la république des conseils en Allemagne et dans le monde entier ». Il invite les soldats à se mutiner, à fusiller leurs officiers et à former des conseils d’ouvriers et de soldats. Le RKD n’hésite pas prendre des risques en jetant des tracts en allemand dans les casernes allemandes, dans les transports fréquentés par les soldats allemands, et même à les distribuer dans la rue de la main à la main. Les membres du RKD n’hésite pas à aborder les soldats allemands comme le montre l’interview d’un soldat allemand en 1943 : « L’aurore - Morgenrot (aus der Soldatenarbeit 1943 » (cf. : traduction pour les archives de l’autonomie : http://archivesautonomies.org/spip.php?article2111).

La discussion reportée dans l’article montre leur persévérance pour convaincre les soldats allemands à déserter mais aussi la volonté de connaître l’évolution de la réflexion au sein des soldats et l’état d’esprit plus largement de la population. Cet interview est une mine d’or au cœur de la guerre. Il fallait une audace et un courage hors du commun pour aborder des soldats en période de guerre et d’occupation.

Janvier 1943, huitième période du groupe quand éclate les grèves en Italie et de l’agitation dans les quartiers ouvriers en Allemagne en 1944 suivis par des mouvements de grèves en février 1945 .

C’est au cours de cette nouvelle période que le RKD commence à rentrer en contact avec la Gauche communiste italienne à Marseille où se trouve repliée la Fraction italienne « reconstitué » .

7 - Quelles sont les orientations politiques du RKD dans cette nouvelle situation ? (8ème période de son parcours politique en 1943)

Comme pour la Gauche communiste italienne, il estime, avec la fin de la guerre impérialiste, que la révolution communiste est à nouveau possible selon le schéma classique de 1871 (Commune de Paris), 1905 et 1917 en Russie et 1919 en Allemagne . Il fallait donc s’y préparer.

Les événements italiens de mars 1943 et la chute de Mussolini apparurent comme la confirmation de cette nouvelle situation politique en direction de la révolution : « En Allemagne, Amérique et Russie se déchaînent les luttes de classe, les grèves et mutineries : les ouvriers préparent la révolution contre leurs exploiteurs »

En mai 1943, le RKD distribua à Grenoble des tracts en italien auprès de soldats qui furent très amicaux : « Operai e Contadini in Casacca Militare ! » (Ouvrier et paysans en tenue militaire !). Un tract en yiddish le 1er mai 1943.

C’est alors avec la Fraction bordiguiste italienne en France et son noyau français (Suzanne Voute, "Mousso" ou Robert Salama et Marc Chirik) que se déroulèrent, à Marseille à cette époque puis à Paris, les discussions les plus intenses, et parfois, un travail, commun sous forme de tracts contre la guerre.

La position du RKD est tout à fait proche et conforme à celle de la Fraction italienne. Dès le déclenchement des grèves en Italie la Fraction italienne de la GC prend une Résolution sur les perspectives et tâches de la période transitoire qui est discutée au sein du milieu révolutionnaire en juillet 1943 et qui avance déjà comme « mot d’ordre central "les SOVIETS" ». C’est pourquoi, « le cours de la formation du parti en Italie est ouvert » « Oui ! La Fraction (italienne) a terminé sa tâche spécifique "défensive". Avec le nouveau cours qui s’est ouvert avec les événements d’août en Italie, le cours de la transformation de la Fraction en parti est ouvert ». Bulletin intérieur de la Fraction italienne N° 2, février 1944).

Cette collaboration entre la Fraction française de la Gauche communiste (FFGC) et les RKD-CR sera d’ailleurs un des points de critique d’abord, puis de rupture ensuite avec la Gauche communiste italienne (GCI). Mais il s’agit d’une autre histoire ....

Au début, dans les premières discussions, il n’y eut aucune compréhension politique entre les deux groupes :

« Nous devions donc cesser le jeu si cher à la F.I. de censeur et de professeur docte et savant comme certains singes. La discussion ne devait pas se présenter comme de simples condamnations sans appel : "Vous n’avez pas compris, vous piétinez, tant pis, vous êtes des contre-révolutionnaires !"

Cette attitude que nous combattions avait amené les CRF et les RKD à adopter la même attitude ; la discussion se faisait à coups d’étiquettes : "Opportunistes, confusionnistes, centristes, néo-trotskystes !" Et voilà la hauteur des arguments auxquels nous étions arrivés. Et le jeu aurait pu durer longtemps, permettant ainsi à nos amour-propres respectifs des victoires bien faciles. » (Rapport d’activité de la Fraction Française de la GC - FFGC - Bulletin extérieur spécial - Fascicule N°I - 14 juillet 1945)

Mais, l’indépendance de la FFGC en 1944 par rapport à la GCI puis avec la création de la Gauche communiste de France (GCF), permettra de faire évoluer positivement la discussion.

« Une compréhension plus grande et une clarification (se fit), et ceci grâce à notre Étincelle et à notre Internationalisme où les problèmes présents analysés au travers de nos principes leur ont permis (au RKD) de se défaire d’une méthode simpliste, de voir les événements, et reconnaître qu’ils s’étaient jetés trop à la légère dans des perspectives ce qui honore leur moralité révolutionnaire mais défigure malheureusement la réalité de la révolution. De plus, toujours grâce à notre méthode d’analyser les luttes quotidiennes du prolétariat, il s’est imposé aux CRF et RKD la nécessité de réviser la plate-forme RKD qu’ils avaient adopté en bloc faute d’une autre plate-forme plus complète et moins confuse. » (Rapport, op.cit).

La Fraction française (GCF) appelle les groupes révolutionnaires à une Conférence internationale d’informations et de liaisons avec les « critères délimitatifs » (...) « déjà exprimés dans des documents, tels les lettres ouvertes aux CR et RKD du groupe de M . et le document pour une Conférence internationale signée Sadi ( ).

La CE les a donc fait connaître depuis longtemps. Vous les connaissez déjà :

1°) Lutte contre la guerre impérialiste,

2°) Lutte contre les idéologies bourgeoises fascistes et antifascistes,

3°) Dénonciation du rôle contre-révolutionnaire de l’État capitaliste russe,

4°) Reconnaissance de la révolution russe d’Octobre 17 comme une révolution prolétarienne. » (Rapport, op.cit)

La Fraction italienne (FI) répond à la Fraction française (GCF) :
« La F.I. nous a répondu, nous sommes des néo-trotskystes, car nous voulons fonder une Internationale 4 et 1/4, car toute conférence internationale d’informations et de liaisons pour la discussion ne peut être qu’une conférence de formation d’Internationale, et pour couronner ce chef d’œuvre de dialectique, ils nous excommunient. »

En fait, la FI estime que le groupe RKD a encore des méthodes trotskistes et de ce fait elle est plus prudente, pour s’engager, que la GCF par rapport à ses nouvelles initiatives politiques.

Au niveau de l’intervention politique, la FFGC (GCF) et le RKD rédigent un tract en commun contre la guerre, et pour la solidarité révolutionnaire internationale pour le 1er mai 1945 .

La réflexion politique du RKD est intense à cette époque. Les résolutions de la première Conférence de contact (la conférence de fondation – octobre 1944) qui sont publiées dans Marxisme (n° 1, octobre 1944) en portent témoignage. Ce numéro présente les conceptions communes aux CR français et allemands. L’éditorial caractérise la situation comme "la veille de la deuxième révolution prolétarienne mondiale", le rôle du PCF et de l’impérialisme russe est dénoncé comme ayant "détourné l’action de classe du prolétariat par le chauvinisme, en l’intégrant dans la guerre impérialiste, et l’entraînant dans l’impasse des réformes démagogiques", le stalinisme est présenté comme "l’ennemi le plus redoutable de la classe ouvrière". Malgré cela, "la révolution prolétarienne est inévitable". Devant l’absence du parti révolutionnaire pour la conduire à la victoire, l’OCR "se propose de définir sa position politique vis-à-vis de tous les problèmes et d’élaborer un programme d’action autour duquel se regroupera l’avant-garde en vue de construire le parti".

Un "Appel des communistes révolutionnaires d’Allemagne et de France" prolonge cet éditorial et se termine par les mots d’ordre suivants :

"À bas le nationalisme et le chauvinisme !

À bas le capitalisme, fauteur de guerres et de la barbarie fasciste !
Vive la révolution prolétarienne en Allemagne, en France et dans le monde entier ! En avant pour la république prolétarienne internationale !"

L’Organisation Communiste Révolutionnaire (OCR)

L’objet n’est pas ici de faire l’histoire à fond de l’OCR. Nous le ferrons dans un autre texte même si leur histoire est intimement mêlée à celle des RKD. Nous nous contentons de citer sa création. En effet, cette existence manifeste une certaine réussite du travail des RKD en direction des groupes trotskistes de gauche français.

En août 1944, trois organisations trotskystes, le POI, le CCI et le groupe Octobre fusionnent et forme le PCInternationaliste. Les nouvelles recrues françaises du RKD constituent à l’intérieur de ce parti une fraction dans le but d’attirer à eux des militants. Ils ne cherchent pas changer la nature de ce nouveau parti).

En octobre la tendance CR du PCI rédige une déclaration politique et quitte le parti pour fonder l’Organisation Communiste révolutionnaire (OCR). L’OCR à cette époque représente 40 membres enviro. Naissance du groupe avec la publication de La Plate-forme des CR.

En commun avec les RKD ils publieront : Rassemblement Communiste Révolutionnaire, l’Internationale et Pouvoir Ouvrier
L’OCR de son côté publiera : Marxisme (un numéro daté d’octobre 1944) ; Communisme (mars 1945, premier numéro) ; Bulletin de discussion (juillet 1945) où l’on trouve des textes du RKD revenant sur son évolution, son parcours.

La séparation et les ruptures ultérieures au sein des CR se feront sur la question du bordiguisme. Au départ tous les CR caractérisent le bordiguisme comme un courant « centriste » car les bordiguistes pensaient que la révolution d’Octobre en Russie a été une révolution prolétarienne. Les RKD et CR ne le pensaient plus.

A partir de cette date les publications du RKD publient un grand nombre de documents historiques de la Gauche communiste italienne (cf Le Prolétaire, feuille de documentation et de discussion, organe du CR, numéro 2, janvier-février 1947, in : https
 ://archivesautonomies.org/IMG/pdf/gauchecommuniste/internationaliste3ecamp/rkd-cr/leproletaire/leproletaire-feuille02.pdf ; dans le RKD-Bulletin n°4 - 5ème Année - Nouvelle série - octobre 1945 et N°7 novembre, 8 décembre ).

8 - Évolution des RKD et des CR - neuvième période .

En 1944 les RKD comme la majorité des membres de la Gauche communiste de France se trouvent à Paris.

Le premier trimestre de 1944, les RKD publie le numéro 1 du journal Rassemblement communiste révolutionnaire, puis Le Prolétaire en 1945. Ils publient même L’Internationale qui est l’organe de la commission internationale créée en commun avec les CR.

L’intervention du RKD s’intensifie contre les réactions nationalistes exacerbées.

Dans Fraternisation prolétarienne n° 1, 1er mai 1943 ont lit :

"Fascistes, gaullistes et staliniens vous exhortent à la haine et au massacre de vos frères de classe. Ils sont tous pour la continuation de la guerre actuelle qui ne profite qu’aux capitalistes. C’est surtout contre les ouvriers allemands et italiens, contraints sous peine de mort, de faire leur service militaire, que les bourgeois gaullistes et leurs agents staliniens excitent vos sentiments. Et pourtant, il n’y a qu’à regarder les traits fatigués de ces soldats victimes de la dictature hitlérienne, pour voir qu’ils en ont tous "marre" de la guerre, comme nous autres, ouvriers français, ils n’ont qu’un intérêt : que cela finisse !"

Et un extrait d’un tract, publié en 4 langues, de juillet 1944 :

"Ouvriers et soldats !

Une des batailles les plus grandes et les plus sanglantes de la 2ème guerre impérialiste mondiale a commencé en France
Cette guerre va uniquement pour les exploiteurs et oppresseurs à Washington, Berlin, Moscou, Tokyo et Londres. Vous seuls pouvez et devez transformer cette guerre capitaliste en guerre civile, en REVOLUTION PROLÉTARIENNE MONDIALE. Fraternisez avec les ouvriers-soldats de l’autre côté et dans les pays occupés contre les officiers de toutes les armées impérialistes."

Il aussi faut faire une mention spéciale pour le travail critique accompli en 1944 contre les trotskistes en France avec un document spécial sur le trotskisme qui mériterait d’être publié aujourd’hui encore. Il est question notamment de l’"entrisme" dans les organisations collaborationnistes et dans les ministères de Vichy.

La position politique du RKD et de l’OCR évolue ; ils pensent maintenant que la révolution d’Octobre fut une révolution bourgeoise. Ici c’est une divergence importante d’avec la Gauche communiste de France.

Ultérieurement le RKD se rapproche encore du courant bordiguiste surtout de la Gauche Communiste de France (GCF). Ils critiquent notamment l’attitude de Perrone-Vercesi et son action au sein du Comité de Coalition Antifasciste de Bruxelles en 1944-45, puis l’attitude de la deuxième FFGC et du P.C.I d’Italie qui ont avalisé implicitement la politique de Perrone-Vercesi. C’est un article « la faillite du bordiguisme » (op.cit, RK-Bulletin n°7) qu’il développe sa position.

Il écrit contre la politique de Vercesi et de la Gauche italienne :

« L’importance de cette évolution a été mise en lumière par une série de réunions publiques qui ont révélé l’indigence idéologique du nouveau rassemblement opportuniste. Nous publierons les comptes rendus de toutes les réunions. Signalons dès maintenant que les représentants du nouveau rassemblement, malgré des invitations répétées ont préféré éviter la discussion loyale et publique avec nous. D’abord ils ne sont pas venus et ensuite ils ne sont venus que pour faire leur déclaration et pour partir peu après, sans attendre notre réponse. Nous connaissons ces procédés chers à tous les centristes et nous comprenons parfaitement leur gêne.

Imaginez qu’un leader des RK avec l’accord et l’approbation de son groupe d’émigration, soit entré dans un « Comité de l’Allemagne libre », où il siégerait en tant que représentant des RKD, avec les bureaucrates des PCA, PSA, du Centre Catholique et d’autres partis bourgeois. Imaginez que d’autres camarades RK en aient fait autant. Imaginez que ce même leader fasse l’apologie d’un Schedemann quelconque, assiste ou préside à des cérémonies patriotiques pendant la guerre et couvre tout cela avec une phraséologie pseudo-marxiste. Vous diriez, et avec raison : ce leader et sa fraction sont des renégats qui comme d’autres sont passés du côté de la bourgeoisie. (..)
tout cela vous ne pouvez l’imaginer, parce que c’est inimaginable. Les RK ont été les seuls en France à lutter pendant toute la guerre, de 1939 à 1945 contre le massacre, contre toute défense nationale ou insurrection nationale, contre toute coalition avec la bourgeoisie, contre tous les groupes centristes qui ont préconisé l’activité impérialiste ou l’inactivité prolétarienne, ce qui revient finalement au même. Les Communistes Révolutionnaires ont été à la pointe de la lutte internationaliste pour la fraternisation et la révolution prolétarienne.

Pendant ce temps Vercesi et ses partisans, Vercesi leader responsable de la « Gauche communiste » (bordiguiste) a d’abord préconisé la passivité des révolutionnaires prolétariens (théorie de la disparition du prolétariat en tant que classe, de l’impossibilité de la transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, etc...) et est entré ensuite dans le Comité de Coalition Antifasciste de l’émigration bourgeoisie italienne en Belgique, coalition qui n’était qu’un appendice de l’État capitaliste en guerre. »

Et il poursuit en montrant son rapprochement particulier avec la Gauche communiste de France (GCF) :

« Il faut savoir que jusqu’ici un seul groupe bordiguiste, l’aile gauche de la GCF (groupe M.) a réellement rompu politiquement et organisationnellement avec la trahison de classe en présence. (..) Seul ce groupe M. s’est rapproché par conséquent des CR (RK), adversaire conséquent de toute coalition avec la bourgeoisie.
L’OCR avait rejeté la conception de l’action de masse en période de contre-révolution et en ce sens ce rapprochait sur cette question de la Gauche communiste. » (op.cit)

On peut lire un compte rendu de la réunion commune entre : 2 RKD, 6 CR et 4 membres de la GCF du 5 novembre 45 dans ce même numéro (op.cit).

"Armand" (G.S.) pour le RKD reconnaît l’importance de la création d’un nouveau parti révolutionnaire en Italie (le PCInt), premier parti créé après "l’écroulement" de la 3ème Internationale et dans « le feu de la révolution en Italie ».

Mais on y trouve comme dans tout parti : une droite, le courant de Vercesi ; le centre qui "se délimite de la trahison idéologique et pratique" de Vercesi mais qualifie sa position de simple "erreur" et une gauche. La gauche, sont ceux qui dénoncent l’attitude de Vercesi et « en plus sont disposés à une critique marxiste et révolutionnaire des racines idéologiques qui ont permis la naissance du courant Vercesi au sein de la GC. »

Cette réunion très importante mérite d’être lue dans son intégralité, nous ne pouvons la résumer du fait de l’ampleur de questions qui y ont été discutées.
Il a été décidé ensuite d’organiser une autre réunion (lancée par la GCF et avec le soutien des CR et du RK) pour parler du congrès du PCInt et de sa dénonciation suite à l’adhésion ou non, de Vercesi, à cette organisation. La réunion s’est tenue les 10 et 11 novembre 1945 mais nous n’en avons pas de compte rendu. La tendance Fred. (Suzanne Voute) autre groupe de la FFGC était présente à cette réunion ainsi que les autres CR de la tendance "Contre le courant", un camarde italien, un élément de l’ancienne Union Communiste (H. Chazé) et un élément de l’UCI. (op.cit.)

Au niveau de l’agitation au sein de la classe ouvrière.

Comme la GCF, le RKD et les CR publièrent des tracts à la Libération appelant à ne prendre partie pour aucun camp impérialiste en dénonçant la participation au mouvement de Libération nationale et appelant à la révolution communiste.

Le RKD fut très actif aussi dans les luttes sociales des ouvriers parisiens qui cherchaient à créer des structures en dehors des syndicats, majoritairement staliniens. Au moment de la libération de Paris, les C.R. eurent avec Raymond Hirzel , pour quelques jours président d’un Comité d’usine de Renault-Billancourt du 21 au 24 août 1944, un certain rôle. Des militants CR prennent la tête du Comité de grève. « L’euphorie règne à la cafétéria, les CR, des trotskistes orthodoxes et deux typographes du GRP-UCI fraternisent, tandis qu’un stalinien, perché sur une table, fait allusion à des « éléments irresponsables ». […] Renault retombe sous la coupe des staliniens, mais les gauchistes y restent présents et vont jouer un rôle dans la grève de 1947, déclenchée au mépris des directives de la CGT stalinienne. »

Ainsi avec les C.R., les RKD mènent toute une propagande pour le développement de « comités d’usine révolutionnaires » dans la région parisienne.

Les RKD eurent aussi ce genre d’intervention aux usines Berliet à Lyon et plus tard chez les ouvriers du Livre et de la presse .

Et ils publient un « Appel des Communistes Révolutionnaires d’Allemagne au prolétariat allemand » pour le 1er mai.

"N’oubliez pas que c’est le capitalisme qui a mis Hitler au pouvoir. C’est le capitalisme qui a provoqué la nouvelle guerre mondiale (...) Malgré leurs divergences impérialistes, les exploiteurs de tous les pays sont unis contre le "danger" de la révolution prolétarienne qui, pour eux, est un danger mortel (...) Les capitalistes alliés et russes volent au secours de la bourgeoisie allemande contre le prolétariat allemand. Les capitalistes russes avec Staline à leur tête, étranglent tout mouvement révolutionnaire. Ils ont précédemment liquidé chez eux les conquêtes prolétariennes et révolutionnaires d’octobre 1917. Les communistes en Russie ont été emprisonnés et fusillés. Le prolétariat a été réduit en esclavage, comme chez nous.

Ainsi il est logique que les massacreurs de la révolution russe déportent actuellement vos pères et vos fils, vos maris et vos frères, pour les obliger aux travaux forcés. Ils interdisent à leurs propres soldats de parler avec vous, ils vous calomnient en prétendant que vous êtes des "nazis" parce qu’ils craignent et veulent empêcher à tout prix la fraternisation entre ouvriers allemands et russes (…)".

Texte publié également dans le journal Spartacus numéro 2 en juin 1945 et donc également sous forme de tract en allemand appelant à la révolution en Allemagne. (Cf : https://archivesautonomies.org/spip.php?article153 et le journal L’Internationale numéro 3 de mai 1945 ). Cet Appel est le signe de l’euphorie qui règne dans le groupe qui pensaient encore que la révolution était possible à la fin de la guerre surtout pour les pays ayant été battu selon le schéma classique après la guerre de 1870 pour la France, 1915 et 1917 pour la Russie et 1918 pour l’Allemagne.

Par la suite cinq tendances apparaissent dans l’OCR en 1945.
 Une première tendance Contre le courant retournera pour partie dans le PCI trotskiste, et pour partie crée le groupe CR-Contre le courant avant d’adhérer au groupe "bordiguiste" : le PC Internationaliste.
 L’OCR disparaît en septembre-octobre 1945 mais la crise dure jusqu’en juin 1946.

 La tendance composée par Rodion et un autre camarade intègrent les RKD en octobre 1945, éditent Le Prolétaire et parallèlement se rapprochent de la GCF. L’on voit également la publication d’une série d’articles sur la nature des PC dans Internationalisme (N° 14 et 15) sous le pseudo de "Bergeron". Par la suite ce dernier deviendra anarchiste.

 Les autres tendances vont à la FFGC, notamment le groupe CR de Paris où disparaissent dans la nature.

Contrairement à la position du RKD très ferme contre la politique de la GCI au sortir de la guerre, les CR sont sensibles à l’importance internationale que représente l’adhésion à la Gauche italienne. Six ou sept CR ont rejoint la deuxième Fraction de la Gauche communiste en 1945 dont : Pierre Lanneret "Camille", Jacques Gautrat "Daniel Mothé", Raymond Hirzel, "Néron" , Jacques Signorelli "André Garros".

9 - Dixième période (1946-1947)

Les RKD demeurent très agitationniste et cela tous azimuts dans la lutte de classe ; ils n’ont pas vu que la période historique avait changé avec l’entrée dans la Guerre froide en 1947. La GCF commence à les critiquer à partir de la grève de la presse dans laquelle ils s’étaient enthousiasmés et voyaient le démarrage d’une nouvelle période de lutte. C’était aussi de son côté le cas de la FFGC qui traitait la GCF de « pessimiste ».

La GCF, par contre, a senti que la situation politique venait de changer avec le début de la Guerre froide et que le cours n’était plus aussi favorable à la lutte de classe. Même dans son intervention dans la grève de Renault, cette dernière le signale. A n’avoir pas voulu voir la réalité de l’évolution de la situation, le RKD est le grand absent de la lutte à Renault en 1947 et sera démoralisé.

Citons un article d’Internationalisme de la GCF qui explique comment elle s’est réorganisé pour faire face à cette nouvelle situation, notamment en arrêtant la publication de son journal l’Étincelle :
« En suspendant immédiatement sa parution, nous ne renonçons pas à la publication ultérieure de L’Étincelle. Cela dépendra des événements et du développement de la situation. Nous restons attentifs et sommes toujours prêts à porter dans le prolétariat L’Étincelle de la révolution. (...)
Des groupes, comme le RKD et l’OCR, se sont disloqués ou évoluent, dans le silence, vers un "anti-marxisme" anarchisant et désespérément creux. Le groupe FFGC s’use dans l’agitation, professant un mépris caractéristique pour tout et tous ceux qui tendent vers un travail de recherche théorique. C’est une église qui cherche à faire des fidèles et non à former des militants conscients. Notre groupe est trop faible à lui seul pour lancer et assurer la publication régulière d’une revue imprimée. »

Son jugement sur le RKD par rapport à son absence dans la grève de Renault est sans appel :

« Le RKD dans la grève des postiers et la FFGC dans celle de la presse voyaient et proclamaient le début d’une vague montante de luttes offensives du prolétariat. Ils n’avaient que du mépris pour notre critique objective de ces mouvements. Ils nous reprochaient notre "pessimisme".
Aujourd’hui nous devons constater, sans joie, la vérification par trop rapide de ce que nous disions alors à ce propos : "En prenant leur désir pour la réalité, ces groupes s’épuisent dans une agitation stérile et un activisme à contre-sens. Pour ces mêmes raisons, demain, quand surgiront des mouvements réels de classe, ces groupes ne les verront pas et resteront absents." En sommes-nous déjà là ? »

Toutefois, il faut reconnaître qu’au fur et à mesure que se dissipe l’illusion d’une vague révolutionnaire en Europe, « le besoin de tracer des perspectives à long terme se fait sentir ; il faut discuter de bases théoriques. On s’interroge sur Cronstadt , la NEP, Brest Litovsk , et en fin de compte, le léninisme lui-même Le rôle de guide de l’ancienne direction du RKD est contesté. La tension grandit au sein des deux groupes et les défections se multiplient » .

Philippe Bourrinet, dans son excellente biographie de Georg Scheuer a raison en disant qu’il a été « déboussolé (…) et abattu par l’inexistence de la vague révolutionnaire tant attendue en Europe (...) et l’absence du « nouveau parti bolchevik ». Philippe Bourrinet précise même que « désespéré, il se retira plusieurs mois en ermite dans une montagne. » Au delà de cet épisode, Scheuer demeura toute sa vie sur des positions révolutionnaire et internationaliste attentif à tout redémarrage de la lutte de classe.

Ils n’étaient pas les seuls déboussolé. L’on pense, par exemple, que Miasnikov aussi est retourné en Russie pour la même raison. Il pensait que la situation en Russie permettrait la manifestation d’une nouvelle vague révolutionnaire. C’était de la folie. Il a joué avec le feu. A peine en Russie il fut fusillé après son interrogatoir par le KGB. Encore une fois les révolutionnaires avaient surestimé la situation politique ! Optimistes impénitents !

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Pour une critique politique des positions politiques des RKD par les CR voir la revue Communisme, numéro 11 de juillet 1946 (d’après les CR de France).

Michel Olivier

Pour approfondir :

* Georges Scheuer , Seuls les fous n’ont pas peur, Syllepse, Collection Utopie critique, 2002.

* Pierre Lanneret - Les internationalistes du 3ème camp en France durant la seconde guerre mondiale, Acratie,décembre 1995.
* Cécile Denis, Continuités et divergences dans la presse clandestine de résistants allemands et autrichiens en France pendant la Seconde Guerre mondiale : KPD, KPÖ, Revolutionäre Kommunisten et trotskystes. Thèse de doctorat réalisée sous la direction d’Hélène Camarade, soutenue publiquement le 10 décembre 2018 à l’université Bordeaux-Montaigne.

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