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Matérialisme et Révolution

mercredi 14 juin 2017, par Robert Paris

« Le point de vue de l’ancien matérialisme est la société bourgeoise. Le point de vue du nouveau matérialisme, c’est la société humaine, ou l’humanité socialisée. »

Thèses sur Feuerbach (1845) de Karl Marx

Matérialisme et Révolution

Comment se pose la question du matérialisme pour les militants révolutionnaires ?

Le matérialisme dont nous parlons ici n’est pas le mode de pensée dit « terre à terre » ou de l’intérêt purement matériel et opposé à la pensée. C’est la conception philosophique – conception de tout un chacun et pas seulement des philosophes et « penseurs » - qui considère que la conscience humaine est le plus souvent en retard sur la réalité et qu’elle ne transforme vraiment la réalité qu’en la suivant et non en la précédant. C’est la réalité qu’il faut transformer et pas seulement la pensée sur cette réalité. C’est la réalité qu’il faut étudier et pas seulement l’opinion. L’opinion publique peut non seulement être en reterd sur la réalité mais même complètement a contrario de la réalité. Le plus souvent l’opinion publique, c’est ce que la classe dirigeante souhaite qu’on pense et ce n’est même pas ce que cette classe possédante pense elle-même.

L’idée la plus courante est que la société suit l’opinion publique et non l’inverse. Ce n’est pas la nôtre.

L’idée la plus courante, c’est que c’est la majorité qui détermine le cours des choses dans les sociétés dites démocratiques. Ce n’est pas la nôtre. C’est l’infime minorité des possesseurs de capitaux à la seule exception près des périodes dites révolutionnaires, qui sont des périodes relativement courtes et rares dans l’Histoire, les exploités étant le plus souvent aussi opprimés sur le plan de leur conscience, de leur organisation et de leur capacité à se diriger eux-mêmes.

L’idée la plus courante, c’est que les hommes pêchent d’abord par leur conscience et non par leur situation objective. Ce n’est pas la nôtre.

L’idée la plus courante, c’est qu’il faudrait d’abord changer l’éducation des hommes et on changera ainsi l’état social et politique. Ce n’est encore pas la nôtre. Les éducateurs eux-mêmes sont d’abord éduqués par l’état social et pas par la pédagogie ou l’école. La société et le système qu’elle suppose sont la première éducation de tous les hommes et elle les pénètre à peu près complètement au point que le système social peut les révolter mais pas les étonner !

Notre démarche est tout autre. Elle ne part pas de ce que les hommes pensent du monde mais sur ce que l’on peut savoir d’objectif sur le monde. Quand elle cherche les idées des hommes, ce sont directement les idées de la classe dirigeante, des exploiteurs, de ceux qui dictent leur loi au monde. Pas la peine de s’attarder de trop sur les prétendus démocrates, sur les faiseurs de discours apaisants et trompeurs…. Pas la peine de suivre les discours des réformistes.

Nous ne partons pas non plus des revendications populaires, non que nous les méprisions ou les négligions mais parce que la pensée révolutionnaire ne suit pas la revendication ouvrière ou populaire, elle cherche simplement à éclairer son chemin en désignant des éléments qui ne sont pas évidents au regard du plus grand nombre. C’est en cela qu’elle est scientifique alors que la démarche des opprimés ne l’est généralement pas. La démarche des militants révolutionnaires qui veulent transformer la réalité doit s’attacher à la réalité sans se laisser détourner, fût-ce par l’opinion ouvrière ou populaire, trop souvent influencée par les affollements, les illusions et les errrements des petit-bourgeois ou par les discours des média.

Le guide conducteur de la pensée révolutionnaire n’est pas la souffrance des masses exploitées et opprimées mais la capacité des classes exploiteuses et oppresseuses.

Ainsi, le révolutionnaire de 1914 ne se laisse pas polariser par le fait que les classes dirigeantes soient parvenues à lancer les peuples violemment les uns contre les autres sans grande réaction antiguerre mais il étudie le fait que les classes possédantes soient contraintes à la guerre mondiale par crainte de la révolution sociale et il examine le fait que la menace révolutionnaire ayant produit la guerre, la guerre peut aussi produire la révolution, par un mécanisme dialectique plus fort que la conscience des hommes. D’un seul coup, les haines montées entre les peuples peuvent se transformer en entente révolutionnaire contre les classes dirigeantes. Et l’Histoire montre que ce n’est pas un faux espoir idéaliste mais une analyse matérialiste.

Ce qui doit guider le militant révolutionnaire, c’est d’abord l’état de la crise de la domination capitaliste et pas d’abord la crise de la conscience ou de l’organisation prolétarienne, même si celle-ci ne doit pas être négligée. Car ce qui peut renverser la situation, c’est d’abord la crise des classes dirigeantes. C’est seulement ensuite que la question de la conscience et de l’organisation prolétarienne deviennent déterminantes, en pleine situation révolutionnaire ou, au moins, pré-révolutionnaire. Mais la définition de la situation révolutionnaire nécessite d’abord une crise objective de la domination de la classe possédante ce qui provient d’une crise économique profonde touchant aux fondements même du système, à l’échelle mondiale…

Ceux qui estiment que la situation révolutionnaire est d’abord déterminée par la conscience se trompent eux-mêmes et trompent les autres.

Cela signifierait que les révolutions sociales et prolétariennes ne se produiraient jamais ou ne se produiraient que dans la continuité d’une avancée de la conscience et de l’organisation, ce qui est presque le cotnraire de ce que l’Histoire nous enseigne.

L’état du système capitaliste, sa capacité ou non à se développer, à croître, à investir sa plus-value en créant de nouvelles richesses, voilà la locomotive du capitalisme. Quand celle-ci est, momentanément ou durablement, en panne, les classes dirigeantes savent que le facteur qu’il faudra prendre en compte dorénavant c’est la révolution sociale. Car le système est fondé non sur une seule classe, la classe capitaliste, mais sur une lutte de classes, comprenant trois classes importantes (bourgeoise, petite-bourgeoise, prolétarienne) plus quelques couches importantes (pauvres, chômeurs, minorités nationales ou religieuses, femmes, jeunessse…).

Là encore, dans cette lutte de classe, c’est la réalité qui prime sur la pensée, c’est la situation objective des classes qui l’emporte sur l’image qu’elles ont d’elles-mêmes.

La petite bourgeoisie, la jeunesse, les pauvres, les minorités nationales ou religieuses peuvent avoir le sentiment de primer sur les masses prolétariennes. C’est ce que leur dit leur conscience sociale mais ce n’est pas la réalité. Cette dernière nous dit qu’il y a deux classes principales : classe capitaliste et classe prolétarienne. Aucun grand événement historique ne nous a démontré le contraire.

Ce n’est pas une illusion des militants communistes révolutionnaires, que de penser le rôle dirigeant du prolétariat dans les luttes révolutionnaires. C’est une illusion, au contraire, de penser le rôle dirigeant des couches démocratiques et petites bourgeoises. On vient de le voir amplement ces dernières années.

Ce n’est pas une illusion de penser que l’avenir de l’humanité est communiste, c’est-à-dire fondé sur la propriété collective des moyens de production. La crise capitaliste elle-même le démontre pleinement par le fait que le capitalisme n’a pu se soutenir, empêcher sa chute immédiate, que par l’intervention collective des Etats et institutions centrales et non par l’intervention des individus capitalistes, intervention qui, au contraire, mène sans cesse à faire chuter le système, intervient de manière nécrophile et destructive.

Bien sûr, l’opinion publique, à la suite de la chute du stalinisme, croît que le communisme est mort. Mais cette opinion l’a cru de nombreuses fois. D’ailleurs, le fait que la classe dirigeante estime toujours nécessaire de maintenir la pression pour le faire croire montre l’inverse. Le fait, surtout, que les Etats et classes possédantes développent de plus en plus une politique contre-révolutionnaire (dictature, guerre, violence, fascisme…) montre qu’elles estiment que la révolution sociale est une mennace réelle, malgré le niveau peu élevé de la conscience et de l’organisation des masses prolétariennes.

Dans cette période, où les classes dirigeantes tâchent de déboussoler les travailleurs, de les dégoûter de leur propre politique de classe, de leur propre organisation de classe, la manière d’avoir une politique fondée sur une boussole de classe n’est ni le moralisme prolétarien, ni le renfermement sur les revendications corporatives, ni l’opportunisme à l’égard des organisations réformistes politiques et syndicales, ni l’isolement pessimiste, c’est justement une attitude matérialiste qui s’attache à l’étude de la réalité économique, sociale et politique et pas seulement à l’opinion publique…, fût-ce celle des prolétaire eux-mêmes ! Dans cette situation, le suivisme vis-à-vis des prolétaires n’est nullement un bon guide pour une politique prolétarienne communiste. Les périodes dans lesquelles les classes dirigeantes sont objectivement déstabilisées sont celles ou l’opinion passe aisément et rapidement d’un extrême à l’autre…

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