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Une découverte révolutionnaire : les bébés auraient un langage !

jeudi 23 juillet 2015, par Robert Paris

Regardez ici la vidéo : les bébés se parlent

Une découverte révolutionnaire : les bébés auraient un langage !

Si elle se vérifie, cette hypothèse est une véritable révolution dans la conception que nous avions de l’apprentissage du langage : les bébés auraient une véritable langue bien à eux que les adultes ne comprennent pas mais que les autres bébés comprennent parfaitement. Ce serait donc un pré-langage sur la base duquel se construirait la langue que pratiquent les êtres humains adultes. On le sait, les adultes considèrent le bébé comme un petit animal encore dénué de sens logique, de capacités d’intelligence et de langue orale. Souvent les adultes singent même les bébés en croyant parler la « langue bébé » en faisant des gouzis-gouzis et autres areu-areu ! On a aussi longtemps cru que le langage ne commence à venir au petit enfant que du fait de l’action extérieure de l’entourage humain de l’enfant. Sans éducation du langage par des adultes, pas du tout de langage pour le petit humain a longtemps été une affirmation incontournable. Elle est aujourd’hui remise en question par de nouvelles expériences et réflexions que nous allons rapporter ici.

Les bébés écouteraient plus leurs confrères bébés que les adultes et les comprendraient. C’est ce qu’a démontré une étude réalisée par des scientifiques de l’Université McGill et l’Université du Québec à Montréal (UQAM), publiée dans la revue Developmental Science. Pour cela, une série d’expériences a été effectuée. Deux enregistrements ont été soumis à l’oreille des petits : l’un d’une femme qui imite le gazouillement enfantin, l’autre des vocalisations réelles de bébés. Les deux ont cependant été créés par un outil de synthèse (ne me demandez pas comment c’est possible). A ensuite été mesuré sur quel enregistrement le bébé a été le plus longtemps attentif.

On constate que nos petits testeurs ont préféré les bruits correspondant à leur propre gazouillement, car ils ont été 40% plus réceptifs à ces derniers. Encore plus fort, cela semble tout à fait intuitif. Le son ne leur était pas familier, puisque les participants à l’étude ne babillaient pas encore. Ce n’était donc pas une expérience auditive de tous les jours. Comme on le voit sur la vidéo, le visage du bébé de six mois reste indifférent lors des sons de voyelles de la femme, mais son visage s’illumine et sourit aux sons produits par un bébé. S’il n’avait sûrement jamais entendu ces sons, il semble les reconnaître et les apprécier.

Jusqu’à très récemment la science de l’homme elle-même pensait que le langage n’apparaît pas spontanément chez le petit homme et n’est pas fondé chez lui, qu’il n’existerait qu’en tant que potentialité héréditaire (ou génétique) qui ne serait pas activée spontanément et n’aurait aucun fondement spontanément activé.

Nous allons voir que des expériences récentes semblent montrer que cette croyance longtemps indiscutée serait fausse : les bébés parlent vraiment et ne font pas de simples gazouillis sans aucune signification.

Que dit cette expérience ? Eh bien, les bébés se comprennent entre eux, par leur babillement, bien mieux qu’ils ne comprennent les adultes et bien mieux que les adultes ne les comprennent. Il y aurait donc bel et bien une « langue bébé » !!! Le « gazouillis » n’est pas un simple murmure, des bruits sans signification, des plaintes de type animal ou même moins élaborées que le langage animal.

Il est donc permis de discuter cette toute nouvelle hypothèse : une forme élémentaire de langage serait activée à la naissance et de manière spontanée, sans aucun apprentissage organisé des adultes. Si cela s’avère exact, c’est un véritable renversement conceptuel et cela peut avoir des conséquences considérables.

On pensait même autrefois que le bébé devait plutôt abandonner le gazouillis pour aller vers le langage et certainement pas que le blabla des bébés soit un préalable au langage.

En février 2000, Anne Christophe affirmait même dans sa conférence pour l’Université de tous les savoirs :

« Le langage lui-même n’est pas inné… Ce qui est génétiquement déterminé, c’est la capacité à « apprendre » une langue. »

Cependant, nous allons voir, dans la manière dont Anne Christophe posait le problème que la question était encore loin d’être tranchée :

« Dans certaines situations particulières, on a pu observer qu’une population d’enfants réinventent une langue. Ces langues inventées en l’espace d’une génération s’appellent les « créoles », à cause du créole qui a été le premier cas de ce type à être étudié. Lorsque des adultes de langues maternelles différentes sont en contact et se trouvent dans la nécessité de communiquer entre eux pour des besoins communautaires, ils élaborent une langue appauvrie en juxtaposant des mots de différentes langues… Au point que la nouvelle langue, ou « créole », a la même complexité que n’importe quelle autre langue humaine. D’où vient cette complexité ? Apparemment de la tête des enfants, puisqu’elle n’est pas présente dans leur environnement. Ce phénomène s’est produit plusieurs fois et les cas les plus récents ont pu être étudiés par les linguistes (comme le créole hawaïen, qui a été créé dans les années 1900, ce qui a permis à des linguistes, dans les années 1970, de trouver des personnes qui parlaient encore le pidgin, et dont les enfants parlaient le créole)…

Les faits que nous venons de présenter suggèrent qu’il existe une capacité génétique déterminée permettant aux enfants d’apprendre une langue humaine : apprendre à parler fait partie du patrimoine génétique humain, tout comme le fait d’avoir cinq doigts à chaque main… En particulier, on sait déjà que les bébés ne naissent pas « préprogrammés » pour apprendre une langue particulière. Ils ont une prédisposition pour apprendre une langue humaine, mais ce peut être n’importe quelle langue qui sera parlée dans leur environnement… Les phonèmes d’une langue sont ses catégories sonores…

On peut faire deux hypothèses diamétralement opposées quant à la manière dont les phonèmes sont appris :

 Hypothèse 1 : à la naissance, les bébés ne distinguent aucun phonème, puis ils apprennent à percevoir les phonèmes de leur langue parce qu’ils les entendent dans leur environnement.

 Hypothèse 2 : à la naissance, les bébés perçoivent tous les phonèmes possibles qui pourraient exister dans n’importe quelle langue du monde, puis, petit à petit, au contact de leur langue maternelle, ils oublient tous ceux qui ne servent pas…

Très jeunes, les bébés distinguent déjà les phonèmes, mais cela ne permet pas de trancher entre les deux hypothèses…

Il y a eu une véritable révolution dans la manière dont nous considérons l’apprentissage en général – pas seulement l’apprentissage du langage. Au début du siècle, on pensait que le bébé était comme une enveloppe vide, une « tabula rasa » (table vide), c’est-à-dire que tout devait être appris, et que les bébés apprenaient en suivant des procédures d’apprentissage très générales, qui reposaient sur l’association entre des stimuli extérieurs et des réponses de l’organisme. De ce fait, il semblait peu utile de faire l’effort d’étudier le développement des bébés humains puisque la manière dont les bébés apprenaient le langage et la manière dont un rat apprenait à appuyer sur un levier pour obtenir de la nourriture étaient considérées comme fondamentalement semblables. »

La révolution est effectivement considérable et le sera d’autant plus que l’on trouvera une véritable langue des bébés qui donnerait une base sonore aux phonèmes de la langue humaine…

Une étude américano-suédoise parue dans la revue Acta Paediatrica révèle qu’ils seraient sensibles à la langue maternelle alors qu’ils sont encore dans le ventre de leur mère.

A la naissance ils seraient par conséquents capables de distinguer les sons entendus dans le ventre maternel d’une langue étrangère.
Pour mesurer cette sensibilité à la voix et aux sons maternels, les chercheurs ont fait écouter à 40 nouveaux-nés suédois ou américains des sons de voyelles en suédois et en anglais. Leur tétine était reliée à des ordinateurs pour détecter la fréquence et rapidité des mouvements de succion à l’écoute de chacune des langues.

Selon les chercheurs, cette faculté des bébés à distinguer et interpréter les sons apparaîtrait dès la 30e semaine de grossesse. Une période correspondant au moment où le système auditif du bébé commencerait à fonctionner, selon l’étude.

Agé d’environ trois semaines, bébé a ajouté de nouveaux sons aux très nombreux bruits étranges qu’il produisait déjà (pleurs, bruits de bouche, claquement de langue, grognements...). Voici que soudain sa bouche s’est ouverte et un « aaaaa » bien sonore en est sorti : sa première vocalise.

Vers 3 mois, les bébés commencent à produire des sons (gazouiller) de façon volontaire. Mais jusqu’à récemment on n’accordait aucune signification à ces gazouillis. Pourtant, il semblerait que les bébés comprennent le gazouillis d’autres bébés…

Allez, avouez, on a tout essayé un jour où l’autre de communiquer avec un bébé à grands renforts de « areu-areu » et autres « gouzi-gouzi » ! Selon une étude canadienne cela serait pourtant peine perdue.

En effet, selon les résultats parus dans la revue Developmental Science, les bébés seraient bien plus sensibles aux gazouillis des autres bébés qu’au timbre de voix des adultes. Une découverte illustrée par une attendrissante vidéo publiée en annexe de l’article scientifique.

Pour leur étude, les chercheurs de l’université McGill et de l’université du Québec à Montréal ont fait écouter différents gazouillis à plusieurs bébés. Si l’enfant reste totalement indifférent à ceux réalisés par des adultes, ils s’animent et sourient à l’écoute d’un babillage produit par un autre bébé.

Les scientifiques précisent bien qu’il ne s’agit absolument pas d’une préférence par rapport à des sons déjà entendus par le passé puisque les bébés choisis ne gazouillaient pas encore eux-mêmes, ils n’étaient qu’au stade de « pré-babillement ».

« En tant qu’adultes, nous utilisons le langage pour communiquer. Mais quand un bébé commence à faire des sons, cela a plus souvent à voir avec de l’exploration qu’avec de la communication », explique le Pr Linda Polka, directrice de l’étude. Ces recherches pourraient alors aider à comprendre de quelle manière l’acquisition du langage se fait chez les bébés. Selon les premières conclusions de cette étude, les gazouillis seraient un passage obligé dans l’apprentissage.

En moyenne, les bébés commencent à gazouiller aux alentours de 7 mois. En général, il s’agit pour eux de répéter les syllabes qu’ils sont capables de reproduire, dans une forme de gymnastique linguistique extrêmement importante pour l’acquisition future du langage. « Les bébés ont besoin de passer beaucoup de temps à déplacer leur bouche, à tester leurs cordes vocales afin de comprendre quels sons ils peuvent produire, et de trouver leur propre voix », ajoute le Pr Polka.

Les chercheurs aimeraient maintenant s’intéresser de plus près aux enfants qui ne réagissent pas aux gazouillis d’autres enfants. Le but étant de comprendre si ce manque de communication est dû à un retard dans l’acquisition du langage ou bien si les déficiences auditives en sont responsables. Dans les deux cas, un dépistage plus rapide permettrait une prise en charge bien plus efficace de ces bébés.

Il nous reste à apprendre la langue « gazouillis » des bébés, à la décrypter, à en tirer ce que nous disent les petits d’homme et même si c’est déjà assez extraordinaire puisque nous serons s’ils soufrent et de quoi, s’ils ont besoin de quelque chose, pourquoi ils pleurent et bien d’autres choses. Mais pas seulement cela...

En effet, on peut imaginer que ce langage bébé soit assimilable par certains singes même si le langage humain élaboré ne l’a pas été.

Examinons en effet cette question. Il est aujourd’hui bien connu que l’apprentissage de la langue par les singes a été un échec relatif mais tout n’est pas aussi simple…

Anne Christophe écrit dans la même conférence précédemment citée :

« Un exemple célèbre est celui de ce couple de chercheurs qui a décidé d’adopter un bébé chimpanzé à la naissance de leur propre enfant. Au bout de deux ans environ, il a fallu arrêter l’expérience : en effet, le bébé humain commençait à parler, mais pas le bébé chimpanzé ; par contre, le chimpanzé grimpait parfaitement bien au sommet des arbres et avait tendance à y entraîner son « frère » ! D’autres tentatives ont été faites en utilisant la langue des signes des sourds-muets, car si les chimpanzés ne peuvent pas articuler les sons des langues humaines, en revanche, ils ont des mains semblables aux nôtres. Or, les langues des signes (il en existe plusieurs) possèdent les mêmes caractéristiques que les langues humaines parlées : elles ont aussi des règles synthaxiques, qui suivent les mêmes principes structurels que les langues parlées. Mais cette tentative a aussi échoué : les chimpanzés arrivent à apprendre un vocabulaire assez important, de l’ordre de plusieurs centaines de mots (contre 50.000 ou 100.000 pour un être humain). Par contre, l’aspect synthaxique, ou productif, du langage, c’est-à-dire la capacité à combiner des mots pour former de nouveaux sens, n’apparaît jamais… »

Cependant, une tentative n’a jamais été faite : examiner si le bébé chimpanzé ou le bébé singe parvient à comprendre le babillement du bébé humain et cela peut ouvrir des voies nouvelles si le bébé singe a adopté le pré-langage humain et qu’on lui propose ensuite les débuts du langage humain….

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