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Entropie et Dialectique

mercredi 31 mai 2017, par Max

Clausius, « L’entropie est transformation » et caractérise le degré de désorganisation ou de manque d’information d’un système.

Boltzmann : « L’entropie est le degré de désordre du système. »

Shannon : « L’entropie, c’est l’information perdue. »

Entropie et Dialectique

Voilà deux notions qu’on ne marie pas fréquemment ensemble et pourtant…

Pourtant, dès qu’on se pose la question de la relation entre ordre et désordre dans la matière, qui est justement la question posée par la notion d’entropie, on constate à l’évidence qu’on se situe dans une situation où des contradictions dialectiques sont développées.

On conçoit aisément qu’ordre et désordre soient des notions contradictoires mais on les imagine à tort plutôt contradictoires diamétralement et pas dialectiquement ! C’est seulement parce que la dialectique n’a pas pignon sur rue et qu’elle n’est nullement largement diffusée, même pas parmi les scientifiques et les philosophes…

En effet, on peut remarquer que l’ordre et le désordre sont plus imbriqués qu’antinomiques, qu’un grand désordre peut produire un nouvel ordre, que l’ordre émerge d’une base désordonnée permanente, que le désordre lui-même ne se conçoit pas sans un ordre sous-jacent qui s’agite, que les niveaux hiérarchiques de la matière ne peuvent être interactifs que parce qu’il y a un désordre aux transitions entre deux ordres, que ni l’ordre ni le désordre ne caractérisent un état permanent d’une matière donnée mais que chaque matière, à chaque niveau, passe sans cesse de l’ordre au désordre et à un nouvel ordre, sautant d’un état à un autre, que l’agitation ne s’oppose pas diamétralement au repos, que la stabilité ne s’oppose pas diamétralement à l’instabilité, étant donnée que les états structurellement stables sont fondés sur des substrats sans cesse changeants. Et on en passe des quantités de remarques dialectiques que l’on peut faire sur l’ordre et le désordre de la matière/lumière/vide, donc de l’univers à toutes les échelles, dans lesquelles les interactions d’échelle qui sont non-linéaires et brutales ne sont pas celles qui suscitent le moins de telles remarques.

Un désordre général est encore un type d’ordre, comme le verre ou le gaz. Un ordre général est encore un désordre, comme le réseau cristallin avec ses vibrations, des mouvements d’atomes, ses échanges d’électrons, etc… La physique quantique a manifesté ce couplage dialectique entre l’ordre et le désordre, entre le hasard et la nécessité, une nécessité fondée sur le hasard et un hasard fondé sur la nécessité ! Voilà ce qui a désarçonné Einstein ! Les corpuscules arrivent sur les écrans au hasard, après passage dans les fentes de Young du fait de la diffraction et pourtant un grand nombre d’impacts sur les écrans reconstituent des figures d’interférences qui sont nécessaires et prédictibles, et obéissent à des lois. Les inégalités d’Heisenberg témoignent de ce mélange de hasard et de nécessité, d’ordre et de désordre non seulement coexistants mais interdépendants. Un paramètre ne peut en effet être bien connu que si l’autre paramètre l’est moins bien ! Plus on a de l’ordre à un niveau et plus on a du désordre à un autre. L’absence de connaissance totalement précise d’un seul paramètre signifie qu’au sens du plus grand ordre, il y a toujours un désordre. Jamais la matière n’est totalement ondulatoire ni totalement corpusculaire et les deux contraires, apparemment diamétraux, sont en fait dialectiques. Jamais le continu ne l’emporte définitivement sur le discontinu, le local sur le non-local, l’étendu sur le non-étendu. Il n’y a pas d’expérience totalement ondulatoire ou totalement corpusculaire. On ne peut augmenter l’ordre à un pôle ou à un niveau qu’en augmentant le désordre à un autre pôle ou à un autre niveau.

La physique quantique est loin d’être la seule à manifester ce caractère dialectique de l’interaction et de l’interpénétration de l’ordre et du désordre et notamment du fait que l’ordre se change en désordre et le désordre en ordre. La physique de Prigogine en est aussi la démonstration. C’est loin de l’équilibre que se fonde l’ordre émergent. Ce sont des tructures globalement stables fondées sur des éléments matériels qui, eux, changent sans cesse. L’agitation sous-jacente y est indispensable à la formation de structures ordonnées.

Il en va de même dans la physique du vide quantique ou dans l’astrophysique de la formation des étoiles et galaxies, qui sont des ordres fondés sur le désordre.

La question posée par Boltzmann dans sa thermodynamique probabiliste n’est pas seulement celle de l’ordre et du désordre. Elle questionne la capacité de la matière d’agir comme « un démon », c’est-à-dire de « tout savoir » avant d’interagir.

La question de la réversibilité et de l’irréversibilité des transformations induites par les interactions a effectivement posé le problème des bases sur lesquelles la matière se fonde pour réagir. Chaque matière intègre-t-elle la totalité des informations disponibles sur toutes les matières alentour ou seulement une partie d’entre elles, limitée dans le temps, dans les niveaux d’énergie, dans l’espace ? L’entropie suppose en fait que la matière minimise la quantité d’énergie nécessaire à collecter ces informations et donc aussi la quantité d’informations nécessaires pour rétroagir. Supposons que, pour interagir, chaque matière doive savoir tout sur tout ce qui l’entoure, même à longue distance et à tous les niveaux d’énergie de transmission, et avec un niveau infini de précision, cela signifierait un nombre trop grand de collecte d’information avant chaque réaction et donc une énergie quasi infinie et un temps d’interaction beaucoup trop grand. Si chaque instant été consacré à collecter ces informations pour chaque matière, celle-ci ne pourrait ni se mouvoir ni changer, en vertu du paradoxe de Zénon.

Une interaction nécessite en effet un temps de perception, un temps d’action et temps de relaxation, avant redevenir apte à une nouvelle interaction. C’est la base de la discontinuité de toutes les interactions et cela fait que la matière ne peut pas collecter toutes les informations émises. Il en résulte que la matière se contente d’une petite partie des informations sur son environnement pour déterminer ses mouvements et ses changements. La matière minimise ses dépenses d’énergie en se contentant de rétroagir à partir d’une petite partie de ces informations, limitées dans les niveaux d’énergie, dans le temps et dans l’espace.

L’entropie, qui a souvent été présentée comme le nombre d’états possibles d’un système et donc comme la mesure de l’extension du désordre, est ce phénomène de limitation de l’information captée par chaque matière/lumière/vide pour rétroagir. Ce n’est pas une mesure de l’information mais de la restriction des informations nécessaires. Cette restriction permet de limiter l’énergie dépensée, de laisser vacant les temps de perception d’action et de relaxation. Elle est d’autant plus nécessaire que le phénomène matière/lumière/vide est entièrement fondé sur des structures émergentes issues de l’agitation des antiparticules et particules éphémères dites virtuelles qui ne cessent d’apparaître et de disparaître dans le vide quantique. Les particules durables, dites réelles, ne sont que des structures qui sont fondées sur des particules virtuelles sans cesses différentes. Il ne peut, du coup, être question d’une mémoire des interactions précédentes, des positions et des vitesses, ni des énergies ou des impulsions du monde alentour, ni d’aucune mémoire du passé de ces interactions puisque la base réelle de ces particules apparaît et disparaît sans cesse.

On voit donc que l’entropie d’un système mesure sa capacité, tout en interagissant avec le monde alentour, à se passer d’une grande partie des informations et non d’en accumuler le maximum.

L’entropie est l’intermédiaire entre énergie et organisation. L’entropie, ce n’est pas juste des questions de température ou de transmission de chaleur en thermodynamique, ni seulement des questions de perte d’organisation (entropie) et de son contraire dialectique, l’auto-organisation (néguentropie) : l’entropie est le déterminant pour chaque matière de l’efficacité de toute structure organisationnelle, par la capacité de filtrage de l’information qui est indispensable aux interactions, comme à toute mémoire ou à toute perception. L’entropie est une tendance de la matière à minimaliser ses efforts pour réaliser les interactions. C’est un principe d’efficacité maximale mais qui a comme effet que le monde est flou et que sa rationalité est contradictoire… Le caractère flou est relié au caractère imprédictible du système. Le caractère contradictoire est relié au caractère dynamique des transformations de la matière.

Ordre et désordre de la matière, deux réalités complètement et dialectiquement imbriquées

La suite

Le rapport avec l’irréversibilité

Ordre et désordre

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