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Et si l’ « homme anatomiquement moderne » (homo sapiens sapiens) n’était pas une espèce (homo sapiens) mais seulement l’une de ses sous-espèces…

vendredi 31 janvier 2020, par Robert Paris

Et si l’ « homme anatomiquement moderne » (homo sapiens sapiens) n’était pas une espèce (homo sapiens) mais seulement l’une de ses sous-espèces…

Ian Tattersall dans « L’émergence de l’homme » :

« Il ne faut jamais oublier que l’histoire des hominidés démontre de manière éloquente qu’il y a de nombreuses façons d’être un hominidé et que la nôtre n’est que l’une des diverses possibilités. »

Pour bien des gens, aux périodes les plus proches de nous, on ne connaît que deux espèces d’hommes : néandertal et cromagnon (sapiens sapiens). Mais la réalité est beaucoup plus compliquée : il y a de multiples néandertaliens et même des prénéandertaliens et des néandertaliens ayant des traits plus proches de nous et il y a de multiples sapiens. Et il y a même des hommes qui ne sont ni néandertaliens ni sapiens ! Et ces derniers peuvent s’être croisés avec les uns et les autres, comme néandertal s’est parfois croisé avec sapiens !

Pas très catholique tout cela quand on sait que le principe même de l’espèce est d’empêcher des croisements fertiles à la deuxième génération avec d’autres espèces !

De plus en plus de spécialistes penchent pour des croisements entre les différentes espèces » d’homo, comme neandertalensis et sapiens sapiens, mais aussi florensiensis, denisovensis, luzonensis, etc. Si on en reste à la définition espèce différente égale pas de croisement ayant une progéniture, la réponse est simple : sapiens sapiens n’est pas une espèce différente de neandertalensis, florensiensis, denisovensis, luzonensis, etc.

Les questions de croisements sont encore disputées entre spécialistes mais on tend de plus en plus à considérer que des lignées humaines sont sorties de certains croisements.

Quelques ossements de l’homo sapiens du Paléolithique européen présentent clairement des traits néandertaliens comme le crâne de Mladec (république tchèque) présentant une bosse occipitale ou encore un crâne et une mandibule de Pestera et Oase (Roumanie) qui présentent une dentition néandertalienne, comme un enfant de Lagar Velho (Portugal) qui a aussi des traits néandertaliens.

Des études génétiques ont aussi été faites et notamment des chercheurs de Leipzig ont réussi à séquencer l’ADN nucléaire (chromosomique) des fossiles néandertaliens et ont montré que de 1% à 4% de l’ADN des Européens et des Asiatiques provient des néandertaliens, pas celui des Africains…

L’étude de la grotte de Pestera cu Oase (Roumanie) a révélé des homo sapiens avec des traits néandertaliens et un ADN comprenant 8% de patrimoine commun avec les neandertaliens. Il avait eu un ancêtre néandertalien probablement à une distance de quatre à six générations.

L’étude de l’ADN de l’homo denisovensis (grotte de Denisova en Sibérie) a montré qu’il ne s’agissait ni d’un ADN sapiens sapiens, ni d’un ADN néandertalien, mais sans doute d’un croisement. Les Mélanésiens actuels semblent génétiquement proches de ces dénisovans.

D’autres hommes ne sont ni néandertaliens ni sapiens comme Misliya-I du mont Carmel (Israël-Palestine) ou l’homme de Jebel Irhoud (Maroc) qui est un sapiens archaïque avec des traits néandertaliens.

Il faut tout d’abord indiquer que sapiens sapiens n’est pas le seul homo sapiens. On trouve des homo sapiens plus archaïques que sapiens sapiens : l’homme de Buia (Erythrée), l’homo rhodesiensis (trouvé à Kabwe en Zambie), l’homme d’Omo Kibish (Ethiopie), l’homme de Herto dans la vallée de l’Awash (Ethiopie), l’homme de Jebel Irhoud (Maroc). Bien qu’étant des sapiens, ces hommes-là étaient très différents de nous, notamment en ce qui concerne leur cerveau, sa structure, son organisation et probablement sa connectivité.

De nouveaux homo sapiens sont parfois encore découverts comme l’homo luzonensis ou homme de Callao, découvert dans l’île de Luzon (Philippines). Inclassable en fait cet homo luzonensis, récemment découvert, qui présente un mélange étonnant de caractères anciens et modernes, de type néandertalien et sapiens… Encore un exemple qui illustre une évolution qui n’a rien de linéaire et qui ne peut être décrite comme celles d’espèces différentes donc incapables de se croiser…

Au Proche-Orient, on trouve encore d’autres homo sapiens qui ne sont pas nécessairement des sapiens sapiens : homme de Skhul, homme de Gafzeh, homme de Mugharet el-Zuttiyeh. Il est difficile de trancher leur appartenance d’espèce. Leurs caractères sont diversement appréciés et rangés. Il est difficile de penser leur position dans une évolution, et surtout pas une évolution linéaire…

Quant aux « présapiens » ou parfois catalogués ainsi (mais la caractérisation est très contestable), ils sont également nombreux et divers : homme de Kibish Omo, homme de Herto, homme de Qafezh, homme de Fontéchevade, homme de Swanscombe, homme de Biache-Saint-Vaast, homme de Zuttiyeh, homme de Djebel Irhoud, etc. En fait, il s’agit simplement d’individus qui appartiennent aux plus anciens homo sapiens, groupe qui se révèle ainsi extrêmement riche de diversité.

Il y a donc eu, en ce qui concerne homo sapiens, une diversification suivie d’un goulot d’étranglement menant à la survie de l’unique sapiens sapiens.

D’autre part, dans plusieurs régions, la cohabitation entre néandertal et sapiens a duré très longtemps, beaucoup plus qu’on ne l’imaginait autrefois.

Néandertaliens et Sapiens ont certainement coexisté depuis l’interglaciaire Mindel-Riss (400.000 ans plus ou moins 3500 ans) et l’existence sporadiques d’anciens néandertaliens peut durer encore beaucoup plus longtemps…

Patou-Mathis rappelle que « La première rencontre entre Neanderthal et l’ancêtre de l’homme moderne (notre ancêtre) a eu lieu au Proche-Orient, il y a peut-être soixante-dix mille ans… La seconde rencontre, plus récente, s’est faite en Europe… C’est l’époque de la culture aurignacienne… »

L’analyse de l’ADN de l’homme de Neanderthal a montré que cet homme n’était pas notre ancêtre direct mais un cousin plus lointain, mais combien lointain ?

En moyenne, les êtres humains modernes portent 2,5% d’ADN néandertalien. Un croisement a probablement eu lieu au Moyen Orient…

La plupart des hommes actuels ne portent aucun gène de denisovensis ; seules certaines populations sapiens sapiens d’Asie du Sud-Est en portent comme les habitants de Papouasie Nouvelle Guinée dont le génome contient jusqu’à 5% de gènes de denisovensis.

Le plus probable est que chaque espèce homo a eu un nombre incroyable de variétés, de sous-espèces pouvant se croiser.

Patou-Mathis pose la question dans « Neanderthal » : « Alors, faut-il parler d’Homo neanderthalensis ou d’homo sapiens neanderthalensis ? Cette question suscite depuis leur découverte de vifs débats. C’est un sujet d’importance car si Neanderthal appartient à la même espèce que nous, un métissage était possible (avec des descendants féconds). Au Proche-Orient, du fait de leur contemporanéité, le métissage entre des Néanderthaliens et des Proto-Cro-Magnons (Homo sapiens archaïques) aurait pu avoir lieu, de même que plus tard, en Europe, avec les premiers hommes modernes qui arrivent sur ce continent… Actuellement, les paléoanthropologues gradualistes soutiennent que Neanderthal est une sous-espèce Homo sapiens et même que les hommes modernes sont leurs descendants directs… A contrario, d’autres spécialistes sont convaincus que Neanderthal se distingue de toutes les autres espèces du genre Homo… »

Pour Jean Chaline dans « Un million de générations » :

« La divergence génétique entre les Européens et les Asiatiques est évaluée à environ – 55 000 ans, c’est-à-dire à une époque où les néanderthaliens étaient florissants aussi bien en Europe qu’au Proche-Orient. Les deux groupes ont donc été contemporains, au moins dans cette région. Comme il s’agissait de deux groupes possédant des plans d’organisation différents et des génomes assez divergents, on peut se demander s’ils ont pu se croiser. Tout dépend du degré de discontinuité existant entre les deux formes : s’agissait-il de deux espèces qui ne se croisaient plus ou de deux sous-espèces qui pouvaient se croiser ? L’étude des crânes découverts au Proche-Orient montre des spécimens avec des caractères mixtes, c’est-à-dire des bourrelets sus-orbitaires associés à des occipitaux arrondis, des crânes allongés à bourrelets réduits. Ces curieux mélanges de caractères suggèrent des croisements malgré les divergences génétiques observées, ce qui obligerait à considérer les deux formes comme des sous-espèces géographiques. La localisation restreinte des vestiges mixtes ressemble à ce que l’on observe dans la zone de rencontre entre deux sous-espèces lorsqu’elles sont proches de la divergence spécifique, c’est-à-dire au moment où seuls certains croisements sont encore fertiles, les autres restant stériles. »

Un grand nombre d’individus modernes mélanésiens qui combinent dans leur génome à la fois l’homo sapiens sapiens, l’homo neandertalensis et l’homo denisovensis, ne sont-ils pas la meilleure démonstration que ces trois espèces différentes ne le sont pas mais sont des sous-espèces d’une seule espèce : homo sapiens ? Même s’ils sont seuls dans leur cas sur la planète, cela suffit à démontrer que ces groupes sont interféconds et à rompre la barrière infranchissable qui résulterait de l’existence d’espèces différentes.

Denisovensis, floresiensis, sapiens sapiens et neandertalensis et peut-être même luzonensis pourraient très bien n’être que des sous-espèces d’une même espèce : l’homo sapiens !

En 2018, pour la première a été découvert en Sibérie, non loin de la frontière kazakh un humain dont il semble bien qu’il soit le produit d’un croisement direct de ce qui était considéré comme deux espèces différentes : une mère néandertalienne et un père dénisovien, comme cela a été démontré par l’étude de son ADN !

Le point de vue selon lequel néandertal, sapiens sapiens et dénisova font partie de la même espèce a gagné un point !

Nous ne ferions alors partie que d’une sous-espèce et ne serions plus séparés de nos cousins néandertaliens et dénisoviens par une barrière d’espèce. L’orgueil d’ethnie en prend un coup. La science est toujours une blessure pour l’égocentrisme !

Il reste une autre possibilité qui consiste à envisager d’une manière plus révolutionnaire… l’évolution…

Ces groupes, pour ne pas dire espèces ou sous-espèces, ont vécu dans de grandes régions de manière très proche durant de longues périodes sans qu’il y ait un mixage important. Celui-ci existe mais est assez faible. S’il s’agit de sous-espèces, comment expliquer qu’il n’y ait pas plus de mise en commun des gènes, de croisements, de formations de sous-espèces mixtes ?

Il ne faut sans doute pas imaginer des espèces différentes fixes mais des espèces en formation, c’est-à-dire des périodes d’ouverture de la diversité au sein d’une espèce… C’est seulement à la longue que des espèces complètement séparées apparaissent.

Le point de vue figé et dichotomique (ou des espèces différentes ou des sous-espèces, exclusivement) conviendrait s’il y avait croisements fréquents ou pas de croisement du tout, mais pas dans le cas, présent chez les homo sapiens, ou proches cousins des sapiens, où il y a une convergence génétique et morphologique, même si elle est relativement faible.

L’idée est grosso modo la suivante : quand une nouvelle espèce apparaît, cela provient du fait que l’inhibition de nouveauté génétique est elle-même inhibée. Du coup, des possibilités de croisement avec des espèces cousines sont réactivées et la nouvelle espèce peut recevoir des gènes de ces cousines.

Comparez notre point de vue à celui diffusé par wikipedia qui a fait fusionner les articles "homo sapiens" et "homo sapiens sapiens" :

Homo sapiens

Homo denisovensis

Homo neandertalensis

Homo floriesensis

Homo luzonensis

On peut lire sur internet :

L’homme qui apparaissait autrefois comme une seule espèce ou comme une convergence change complètement et apparait comme l’image même du buisson évolutif !!!

La décennie a été marquée par de nombreux progrès concernant la compréhension de nos origines : l’établissement de nouvelles dates sur des fossiles connus, la découverte de crânes fossilisés étonnamment complets ainsi que l’ajout de multiples branches inédites. En 2010, l’explorateur itinérant National Geographic Lee Berger annonce la découverte d’un de nos lointains ancêtres, Australopithecus sediba. Cinq ans après, il révèle que les fossiles d’une nouvelle espèce ont été mis au jour au sein du « berceau de l’humanité », un réseau de grottes karstiques d’Afrique du Sud : Homo. naledi, un hominidé dont l’anatomie en « mosaïque » s’apparente aussi bien à celle de l’homme moderne qu’à celle de ses cousins bien plus anciens. Une étude complémentaire a également révélé le très jeune âge de H. naledi, qui vivait il y a 236 000 à 335 000 ans.

L’Asie a été le lieu de nombreuses découvertes majeures. En 2010, une équipe dévoile que l’ADN identifié à partir d’une phalange d’un ancien habitant de Sibérie ne ressemble à celui d’aucun autre être humain moderne ; il s’agit de la première preuve d’une mystérieuse lignée connue aujourd’hui sous le nom de Dénisoviens. En 2018, des outils de pierre remontant à 2,1 millions d’années sont découverts en Chine, indiquant l’arrivée de fabricants d’outils en Asie des centaines de milliers d’années plus tôt que l’on ne le pensait. En 2019, des chercheurs ont retrouvé des fossiles de Homo luzonensis aux Philippines, une nouvelle espèce humaine semblable à Homo floresiensis, l’Homme de Florès. Enfin, la découverte d’outils de pierre sur l’île des Célèbes antidate l’arrivée de l’Homme moderne, suggérant ainsi la présence d’un troisième hominidé insulaire encore non identifié en Asie du Sud-Est.

La lignée de l’Homme de Denisova, à elle seule, pourrait représenter trois espèces humaines)…

L’espèce humaine moderne devrait plutôt s’appeler les multiples variations des hommes dits modernes !!!

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