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Répression stalinienne de la Révolution prolétarienne en Hongrie (1956)

vendredi 18 février 2022, par Robert Paris

Répression stalinienne de la Révolution prolétarienne en Hongrie (1956)

BRETON André (1956) :

HONGRIE, SOLEIL LEVANT

La presse mondiale dispose de spécialistes pour tirer les conclusions politiques des récents événements et commenter la solution administrative par quoi l’O.N.U. ne manquera pas de sanctionner la défaite du peuple hongrois. Quant à nous, il nous appartient de proclamer que Thermidor, juin 1848, mai 1871, août 1936, janvier 1937 et mars 1938 à Moscou, avril 1939 en Espagne, et novembre 1956 à Budapest, alimentent le même fleuve de sang qui, sans équivoque possible, divise le monde en maîtres et en esclaves. La ruse suprême de l’époque moderne, c’est que les assassins d’aujourd’hui se sont assimilé le rythme de l’histoire, et que c’est désormais au nom de la démocratie et du socialisme que la mort policière fonctionne, en Algérie comme en Hongrie.

Il y a exactement 39 ans, l’impérialisme franco-britannique [1] tentait d’accréditer sa version intéressée de la révolution bolchévique faisant de Lénine un agent du Kaiser ; le même argument est utilisé aujourd’hui par les prétendus disciples de Lénine contre les insurgés hongrois, confondus, dans leur ensemble, avec les quelques éléments fascistes qui ont dû, inévitablement, s’immiscer parmi eux. Mais en période d’insurrection, le jugement moral est pragmatique : LES FASCISTES SONT CEUX QUI TIRENT SUR LE PEUPLE. Aucune idéologie ne tient devant cette infamie : c’est Gallifet lui-même qui revient, sans scrupule et sans honte, dans un tank à étoile rouge.

Seuls de tous les dirigeants « communistes » mondiaux, Maurice Thorez et sa bande poursuivent cyniquement leur carrière de gitons de ce Guépéou qui a décidément la peau si dure qu’il survit à la charogne de Staline.

La défaite du peuple hongrois est celle du prolétariat mondial. Quel que soit le tour nationaliste qu’ont dû prendre la résistance polonaise et la révolution hongroise, il s’agit d’un aspect circonstanciel, déterminé avant tout par la pression colossale et forcenée de l’État ultranationaliste qu’est la Russie. Le principe internationaliste de la révolution prolétarienne n’est pas en cause. La classe ouvière avait été saignée à blanc, dans sa totalité, en 1871, par les Versaillais de France. À Budapest, face aux Versaillais de Moscou, la jeunesse - par-delà tout espoir rebelle au dressage stalinien - lui a prodigué un sang qui ne peut manquer de prescrire son cours propre à la transformation du monde.

Tract rédigé à la suite de l’écrasement de la révolution hongroise, en novembre 1956.

Signatures :

Anne Bédouin, Robert Benayoun, André Breton, Adrien Dax, Yves Elléouët, Charles Flamand, Georges Goldfayn, Louis Janover, Jean-Jacques Lebel, Gérard Legrand, Nora Mitrani, Benjamin Péret, José Pierre, André Pieyre de Mandiargues, Jacques Sautès, Jean Schuster, Jacques Sénelier, Jean-Claude Silbermann.

[Novembre 1956.]

[1] Qui vient de donner sa mesure en Egypte, selon ses techniques les plus éprouvées.

LE TEST HONGROIS

"L’ordre" règne de nouveau à Budapest, sinon en Hongrie. Cependant malgré une répression de plusieurs semaines, les tanks russes ne sont pas venus complètement à bout de la résistance héroïque de la population. La lutte armée des ouvriers et des paysans se poursuit en province, tandis que les arrestations massives et les cours martiales frappent les conseils ouvriers de Budapest et de province. Le "gouvernement" Kadar et les Russes ne reculent devant aucun moyen et tentent désespérément, à n’importe quel prix, de reprendre la situation en main, de restaurer à la fois la domination de la Russie sur la Hongrie et la toute puissance d’une bureaucratie totalitaire sur les ouvriers et les paysans hongrois – celle-ci étant la condition première de celle-là.

Le drame hongrois, le terrible drame DES OUVRIERS ET DES PAYSANS hongrois tombant en 1956 sous le feu des canons russes a été le TEST DECISIF pour le régime stalinien des "démocraties populaires" et de l’URSS. En 1948, le conflit avec la Yougoslavie n’alla pas jusqu’à la guerre ouverte pour deux raisons : d’un côté, à l’époque, Staline n’a pas trouvé un Kadar yougoslave qui justifiât l’intervention de l’armée russe. D’un autre côté, Moscou pensait pouvoir obliger la Yougoslavie à capituler sous sa seule pression politique et économique et éviter ainsi les risques d’une intervention armée dont ils avaient cependant menacé Tito. Le conflit avec la Yougoslavie n’avait donc pas encore montré, DANS TOUTE SON ETENDUE, la dégénérescence anti-ouvrière et oppressive de la caste bureaucratique de l’URSS que révèle aujourd’hui la tragédie hongroise : aucun crime ne lui est impossible ; sa vraie nature est anti-socialiste.

Eclairés par la tragédie hongroise, tous les ouvriers conscients, tous les véritables communistes comprennent maintenant cette vérité essentielle pour l’avenir du mouvement ouvrier, pour l’avenir du socialisme. Seuls continuent à ne pas comprendre, ceux qui à tout jamais sont, dans le mouvement ouvrier les adversaires du socialisme, les ennemis de l’émancipation des travailleurs malgré leurs paroles "socialistes" ou "communistes" : tel Thorez qui approuve l’intervention des troupes russes en Hongrie.

Bien sûr, il y a ceux pour qui les événements de Hongrie sont une occasion de plus pour cacher, derrière les crimes staliniens, leurs propres actions anti-socialistes. Mais ceux-là, les Mollet, les Lacoste, les Pineau, avec leur guerre en Afrique du Nord et leur "coup de Suez", il y a longtemps que les travailleurs conscients les connaissent pour ce qu’ils sont.

Le test hongrois, c’est le sang des dizaines de milliers d’ouvriers et de paysans tombés pour leur liberté : être POUR l’intervention soviétique en Hongrie c’est être CONTRE l’émancipation de classe des travailleurs de tous les pays, c’est être CONTRE le socialisme.

Barta

LE DROIT DES "GRANDS" A DISPOSER DES PEUPLES

De la Hongrie à l’Afrique du Nord, en passant par le Moyen-Orient, le bruit des canons a remplacé les belles phrases sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Partout où leurs intérêts économiques ou politiques sont menacés les dirigeants du monde ont recours à la force comme suprême argument.

La vie et les besoins des travailleurs hongrois ou égyptiens passent après les intérêts des grandes puissances qui se partagent le globe, tout comme en général les intérêts des classes exploitées passent après ceux des exploiteurs qui ont le pouvoir en mains.

En France, pour conserver leur gagne pain aux actionnaires de la Compagnie du Canal de Suez, les gouvernants n’hésitent pas à imposer des restrictions à toute la population.

Les travailleurs font dans tous les pays du monde, les frais de ces opérations. Au nom du soi-disant "intérêt général" ce sont toujours les mêmes qui pâtissent.

La répression sauvage de l’insurrection hongroise et la très peu glorieuse intervention franco-anglaise en Egypte ont tragiquement mis en évidence le fait que le monde est divisé en "chasses gardées" par un petit nombre de nations militarisées à l’extrême et qui se servent de la force pour imposer leur loi. Partout dans le monde des pays sont occupés par des armées étrangères. C’est tellement dans les moeurs depuis la fin de la guerre qu’il faut le massacre de tout un peuple comme en Hongrie pour qu’on réalise le rôle de ces armées d’occupation. Les travailleurs hongrois ont été assassinés au nom du Pacte de Varsovie ; demain, nous le serons peut-être au nom de la "solidarité atlantique". Les préparatifs militaires qui se développent en France visent, en même temps qu’à préparer le prochain conflit mondial, à remplir au besoin le même rôle que l’armée russe en Europe orientale. Depuis la fin de la guerre, la France n’a pas cessé de combattre, que ce soit en Indochine, en Afrique du Nord ou en Egypte. Partout nous allions défendre les profits de nos patrons avec des fusils comme porte-voix. Depuis dix ans, quand ils ne sont pas occupés à faire au Guatemala ce que les Français font en Algérie ou les Russes en Hongrie, les Etats-Unis construisent des bases militaires plus formidables les unes que les autres, aux quatre coins du monde et en Europe en particulier.

La Russie occupe militairement la moitié de l’Europe au moyen d’une armée colossale dont l’entretien est payé par les peuples occupés.

L’Angleterre fait ce que font les USA, mais avec moins de moyens, et ce que fait la France mais avec plus de force.

Le monde est devenu une vaste prison des peuples gardée par les armées de quelques "grands".

La Hongrie, l’Egypte et l’Algérie n’en sont que l’illustration sanglante.

C’est en permettant à nos dirigeants de mener leur guerre en Algérie et en Egypte que nous leur donnons un moyen de nous lier les mains ; c’est en acceptant cette politique de brigandage que nous permettons l’installation en France de bases militaires qui amèneront peut-être un président du Conseil français à faire appel aux armées de l’OTAN contre les travailleurs français, comme Kadar a fait appel aux forces russes.

"Un peuple qui en opprime un autre, n’est pas un peuple libre", disait Lénine et nous qui laissons nos dirigeants opprimer tant de peuples craignons de voir un jour notre liberté périr sous les blindés.

Les travailleurs n’ont pas intérêt à la guerre, ils en sont les premières victimes. C’est pourquoi nous devons nous opposer à toutes les occupations de territoires par quelque armée que ce soit. Le premier gage de paix dans ce monde au bord du cataclysme serait :

LE RETRAIT DES TROUPES RUSSES DE LA HONGRIE ET DE TOUTE L’EUROPE ORIENTALE

LE RETRAIT DE TOUTES LES TROUPES ATLANTIQUES EN FRANCE ET EN EUROPE

LE RETRAIT DES TROUPES FRANÇAISES D’EGYPTE ET D’AFRIQUE DU NORD

Barta

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